Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 32.djvu/609

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

230 000 quintaux de café de plus. C’est au point que le gouvernement, trouvant la provision plus que suffisante, songerait à en interdire l’importation, pour ne pas encombrer inutilement les bateaux, et aussi pour nous contraindre à l’économie.

Il est entré en France, l’an dernier, autant de vanille et d’essence de rose, et trois fois plus de musc que d’ordinaire ; ce qui prouve que la parfumerie se défend malgré la cherté de l’alcool, qui fait majorer l’eau de Cologne de 80 pour 100. L’alcool pur, en effet, a quintuplé ; il vaut aujourd’hui près de 300 francs l’hectolitre ; nous sommes obligés d’en faire venir d’Amérique. Quoiqu’il se soit fondé chez nous des distilleries nouvelles, nous étions incapables de fournir à nos poudreries les milliers d’hectolitres qu’elles consomment chaque jour. On sait que les poudres françaises sont faites de deux cotons nitrés à des degrés différens, délayés et mis en pâte dans un mélange d’alcool et d’éther.


V

Est-ce parce que la guerre absorbe ainsi d’énormes quantités de coton que les chiffons de cette étoffe se vendent cinq fois leur prix de naguère ? Les déchets de toute sorte, laine ou coton, ont aussi beaucoup augmenté. En tout cas, si le coton brut a passé de 83 francs à 112 les 50 kilos, ce n’est pas que son prix soit plus élevé au pays d’origine ; la hausse du fret, de 4 francs à 22 fr. 50, et celle du change suffisent à expliquer cet écart. Pour le tissu de coton écru la hausse est de 50 pour 100 : le mètre, qui valait 50 centimes avant la guerre, vaut 74 cenimes aujourd’hui ; la différence est plus grande pour les tissus blanchis ou teints, parce que les teintures manquent, l’indigo et le noir font absolument défaut.

Une grande partie des étoffes nous viennent au reste de l’étranger ; malgré nos droits de douane très élevés, nous avons été forcés d’importer de la bonneterie d’Amérique. Quelle que soit l’énergie de nos industriels, — ceux de Picardie font des tricots et des chandails au son du canon, à Corbie, sur le front anglais, à Villers-Bretonneux derrière les lignes françaises, — ils arrivent à peine au tiers de leur production normale. Beaucoup sont réquisitionnés par l’intendance ; les fabriques de Romorantin et d’Elbeuf ne travaillent que pour l’armée.