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de se mettre en route ; je lui ferai rentrer son éternuement dans le cerveau ou sa toux dans la gorge avant qu’il ait le temps de crier : Ouf !

Notre détachement arriva ainsi jusqu’au poste allemand sans être aperçu. On entendit :

— Halte ! Wer da !

Tout en répondant : « Amis ! » nous avons silencieusement levé nos baïonnettes... Avant qu’ils eussent le temps de tirer un coup de fusil, tous les hommes du poste étaient exterminés. Cela commençait bien... Bientôt, les feux du village de Niével, silencieux et dormant, brillèrent devant nous. Il était facile de voir que l’on n’y attendait pas des hôtes. Les sentinelles furent enlevées sans un son, sans un cri, et alors commença la véritable besogne. Le tour des porteurs de grenades à main était venu. Nous avions appris par nos guides qu’il n’y avait plus d’habitans à Niével et que toutes les maisons en étaient occupées par les Allemands. Donc, aucun scrupule. Le village s’étendait sur une seule ligne et nous avions assez de grenades à main...

Le maniement en est facile. On écrase doucement la vitre, avec le coude et on lance la bombe. En dix secondes, juste le temps pour l’homme de se mettre à l’abri, elle éclate avec une terrible force. Tout ce qui est à l’intérieur de la maison est brisé, les hommes sont projetés en l’air, mis en lambeaux, la maison s’enflamme... et tout est fini !

A travers la vitre d’une maison éclairée on voyait des officiers tranquillement occupés à une partie de cartes. Des valises ouvertes, des cartes déployées ; toutes sortes d’ustensiles de campagne étaient étalés autour d’eux. Les reliefs de leur repas encombraient un coin de la table. Sans doute c’étaient des officiers arrivés un peu avant nous à Niével. Leur présence nous était une agréable surprise... Un bref tintement de vitre brisée, une explosion assourdissante, et il ne resta plus de ce calme tableau qu’une maison en flammes au milieu de laquelle se consumaient les corps déchiquetés des officiers allemands.

Notre présence, que décelaient l’éclatement des bombes et la lueur des incendies, ne pouvait pas être tenue longtemps secrète. Les Allemands réveillés sortaient affolés des maisons, mais c’était pour tomber sur la pointe de nos baïonnettes... Partout retentissaient des cris, des appels, des imprécations... puis la