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NOTES D’UNE INFIRMIÈRE À MOUDROS

Deux jours après, ils plongèrent sans être aperçus devant Constantinople. Un autre grand transport était accosté dans l’arsenal. Immédiatement, ils lancent par bâbord avant une torpille. Celle-ci ne se met pas en marche. Ils en lancent une seconde par le tribord avant. Ils voient enfin la trajectoire qui pique droit sur le grand bâtiment... Mais, à ce moment, ils ne peuvent pas se rendre compte s’ils ont atteint leur but, car le sous-marin est drossé à terre par le courant...

Pour arrêter la remontée, ils durent faire en arrière, à toute vitesse, en remplissant les caisses intérieures. Leur cap se déplaçait du Sud-Sud-Est à l’Ouest et par l’Est et le Nord. Le commandant a conclu qu’ils étaient échoués sur un banc, sous la tour de Léandre, et que le courant leur faisait éviter... Ayant ensuite le cap au Sud, ils mirent en avant, et le navire passa doucement dans le fond en s’enfonçant à vingt mètres... Ils ont encore touché plusieurs fois à cette profondeur, puis ils décollèrent du fond, et, après être revenus en surface, vingt minutes après, ils s’aperçurent que l’entrée était franchie...

Le 26 mai, ils s’offraient une journée de repos au centre de la mer de Marmara...

Et chaque jour ils continuèrent leur chasse, coulant transports et ravitailleurs. Mais la vie à bord du sous-marin était des plus pénibles ; l’air devenait irrespirable, en raison de la grande quantité de linge sale, et l’eau douce devenait si rare que l’on devait limiter la fréquence des « lavages corporels. » Aussi passait-on quelquefois la journée au beau milieu de la mer de Marmara, « pour faire une bonne propreté du navire et des hommes. »

Le temps continuait à être magnifique en cette fin de mai. La lune resplendissait, ce qui les empêcha plus d’une fois de poursuivre leur chasse. Ils continuèrent cette existence, en un perpétuel qui-vive, jusqu’au 7 juin, où ils effectuèrent leur sortie... Ils durent plonger à vingt mètres par Gallipoli ; mais, aussitôt après avoir doublé Kilid-Bahr, l’équilibre du bateau ne fut plus le même. Il devenait anormal, ce qui nécessita une augmentation de huit tonnes d’eau pour descendre à vingt et un mètres.

Deux heures après, on entendait un bruit comme s’ils touchaient... Sachant que ce n’était pas possible, par le fond où