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petit cabinet de la Reine. Je suis descendue en toute hâte. M. Conneau, qui devait passer vingt-quatre heures auprès du corps, demandait à ce que le Testament fût ouvert tout de suite pour connaître les dispositions de la Reine pour l’embaumement. On le cherchait partout, il ne se trouvait pas. Je n’avais pas connaissance de la boîte qu’on cherchait, je n’en avais nul souvenir et Malvina et Mme Salvage la désignaient. Je n’en avais jamais vu d’autre chez la Reine que la grande contenant les rentes que le Prince a dit à Rousseau d’emporter chez lui. J’ai dit tout ce que je savais ; mais ce qui me semblait le plus désespérant, c’est que ce devrait être dans ce coffre que se trouvent les rentes d’Espagne qui nous ont tant occupées. On a cherché partout, quoiqu’il fût bien difficile de penser qu’une boîte de cette taille ait changé de place sans qu’aucune de nous n’en sût rien. Je ne sais pourquoi, en ce moment où tout le monde cherchait, il me semblait voir sur la physionomie de Rousseau quelque chose de moins curieux que chez nous. Il était sûrement convaincu, comme moi, qu’il n’y avait qu’une seule boîte, celle emportée chez lui. Lui, en revenait sans cesse à ces rentes d’Espagne, qu’il m’a remises, dit-il. Mme Salvage est venue par-dessus le marché pour faire ses esbroufes. Elle a fait les grands bras et a dit que, puisque cette boîte ne se retrouvait pas, il fallait la chercher chez tout le monde et qu’elle allait donner le bon exemple. Le Prince, là-dessus, s’en est allé désolé. M. Tascher s’est récusé à cause de sa goutte et M. Vieillard a été appelé pour faire, avec Rousseau et Charles, la visite de toutes les chambres. J’ai demandé à ce qu’on commençât par la mienne, et je suis montée ouvrir tout chez moi. C’était non seulement ignoble, mais une bêtise, car certainement, le voleur, s’il y en avait un, avait mis tout en sûreté. Je suis descendue au salon où tout le monde se regardait stupéfait d’une pareille chose. Pour un moment, elle a fait diversion à la douleur de tout le monde. M. Cottrau disait que les rentes d’Espagne étaient la moindre des choses, puisqu’elles ne valaient plus rien, mais que la disparition de cette boîte était une chose incroyable et celle du testament un désespoir éternel pour le pauvre Prince : nous nous en désolions pour lui.

On ne savait qui accuser, on allait presque y mettre de la politique. Le déjeuner était prêt, le Prince ne venait pas. J’ai été le chercher chez lui pour lui montrer que je n’étais pas le