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louées. Les internats furent malaisément reconstitués ; on leur substitua le placement familial ; et il faut reconnaître, malgré les espérances que, même en temps de paix, on fondait sur lui, que le travail n’y trouva pas son compte. Mais dans l’ensemble les familles restèrent fidèles à l’Université dépouillée. Certains établissemens furent rendus à leur destination, à la rentrée de 1915. Et, grâce à une mutuelle bonne volonté, ces restitutions seront plus importantes et plus nombreuses en 1916. La perte d’élèves avait atteint la proportion de 20 pour 100. Elle n’est plus que de 12 pour 100, et elle est causée en grande partie par l’appel prématuré des classes. La crise a été conjurée ; on a reçu des nécessités subies d’utiles leçons de simplicité, et les meilleurs parmi les éducateurs surent convertir, chez leurs élèves, la gêne matérielle en intention de sacrifice.

Mais il fallut un concours de bonnes volontés inouï pour qu’un maître fût présent partout où il y avait une école ouverte. A la campagne, ou bien on réunit les garçons et les filles, ou bien, quand l’école des filles a plusieurs classes, l’une des maîtresses fut chargée de l’école des garçons. Souvent c’est une intérimaire qui est spécialement désignée pour ce sujet. Elle arrive dans un village où elle trouve le logement destiné à l’instituteur occupé par la famille du mobilisé, et ne sait où se loger. Il est vrai qu’elle recevra 1 200 francs par an. Mais elle n’est qu’intérimaire ; elle songe à son avenir incertain, elle est très jeune, isolée, inexpérimentée. Elle a surtout peur des garçons qu’elle devra régenter, et qui cependant respecteront presque toujours sa craintive et gracieuse autorité. C’est de ces misères et de ces dévouemens féminins que le pays a vécu, en même temps que du courage des hommes.

Dans les établissemens secondaires on fit un appel, qui fut entendu, à des auxiliaires un peu exceptionnels. Ici un sous-préfet, là un président de tribunal et un procureur de la République ont donné l’exemple. Des ingénieurs devinrent professeurs de mathématiques, des pharmaciens professeurs de chimie et de sciences naturelles. Les avocats et les magistrats, gardiens des traditions, enseignèrent le latin. L’histoire eut la préférence des journalistes. Mais il y avait quelque chose de précaire dans ces généreuses improvisations, et une administration éprise de méthode s’efforça d’organiser un provisoire qui durait. Des crédits furent obtenus pour payer ceux ou celles