Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 34.djvu/421

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

matériel et les engins de toutes sortes s’entasseront le plus près possible de la ligne de feu, afin que torpilles, rondins, fils de fer et munitions endolorissent le moins possible les épaules fatiguées des corvées de combattans.

Ainsi, depuis décembre 1914, toutes les batailles livrées sur le front français sont du même type, ont évolué suivant des phases identiques, ont abouti aux mêmes résultats. Même dans celle de Verdun où nos adversaires espéraient obtenir la décision, les Allemands n’ont rien innové, sinon l’abondance des gros calibres d’artillerie. Après de longues périodes d’accalmie où l’on remplace le matériel et les approvisionnemens dépensés pendant la tentative précédente, une préparation brutale anéantit les premières lignes ; l’infanterie rassemblée devant la zone d’attaque réduit les résistances locales et progresse jusqu’à la deuxième position que la prévoyance du commandement a fait aménager de longue date pour limiter l’échec. Jusqu’à l’heure où nous écrivons ces lignes, c’est-à-dire jusqu’à la date où s’est engagée la bataille de la Somme, ces deuxièmes positions étaient restées à peu près inviolables, aussi bien en Belgique, qu’en Artois, en Champagne et à Verdun. Faut-il croire que les batailles ultérieures ne donneront toujours qu’un gain illusoire de quelques kilomètres carrés de terrain où le vainqueur ramassera du butin de guerre et quelques milliers de prisonniers ? Faut-il croire que les combattans du front prophétisaient juste quand ils disaient déjà, pendant les chocs sur l’Yser : « Ils ne passeront pas, mais nous ne passerons pas ? » Peut-être, si nous étions aveugles et sourds aux leçons de l’Histoire comme à celle des faits actuels. Pendant la guerre de Sept-Ans, Frédéric II, souverain d’un petit royaume, réussit à vaincre une coalition d’Etats dont chacun était plus puissant que lui, en profitant de leurs lenteurs et de leurs rivalités d’intérêts. Les Alliés de 1814 n’abattirent Napoléon qu’après avoir décidé de marcher tous ensemble sur Paris sans se laisser arrêter par l’échec de l’une quelconque de leurs armées.

Il serait oiseux de disserter sur les événemens passés de la guerre mondiale. Nous ne trouverions pas la recette de la victoire dans les « si » de la critique enveloppés de regrets. Il est non moins malséant d’esquisser pour l’avenir un plan de campagne : l’observateur raisonnable doit laisser aux grands chefs