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gloire, dirigés contre une oppression ; il y a les Républiques latines de l’Amérique du Sud : l’une d’elles, le Brésil, s’est déjà prononcée. Il y a enfin la plus vénérable et la plus formidable des Puissances spirituelles, celle de qui Bismarck disait que se mettre en conflit avec elle, c’était renouveler la lutte de Jacob avec l’Ange. Il y a la Puissance qui ne peut pas être vaincue, parce qu’elle ne peut pas être atteinte. Nous ne saurions songer avec indifférence à l’appel que, pour quelques nègres enlevés dans la forêt équatoriale, le zèle apostolique d’un Lavigerie inspirait au génie d’un Léon XIII. Aujourd’hui, ces choses ne se passent point au centre de l’Afrique, chez des païens et des idolâtres. Le monde attend une grande parole, qui ne sera pas une parole de paix, tant qu’elle n’aura pas été une parole de justice. Puisqu’une fois encore il faut redire : Scilicet conscientiam humani generis..., est-ce que la moitié de l’humanité va laisser en silence abolir la conscience commune de l’humanité ? Soyons francs. Que craindraient les neutres ? La force ? L’Allemagne ne l’a plus.

Et elle commence à savoir qu’elle ne l’a plus. Cette quinzaine même, le 2 août, nous sommes entrés dans la troisième année de la guerre. Tous les souverains et chefs d’État ont profité de l’occasion pour dresser en quelque façon le bilan sommaire des deux premières années. La note donnée par les Alliés est celle d’une confiance simple et sûre. L’empereur de Russie, le roi George, le roi Albert, le roi d’Italie, l’empereur du Japon, le roi de Serbie, M. Poincaré, leurs ministres, les généraux, ont tenu, presque dans les mêmes termes, le même langage. D’un bout à l’autre de l’empire britannique, c’est-à-dire sur toute la surface du globe, 3 000 meetings, à la même heure, ont répété le même serment. De son côté, l’empereur Guillaume a essayé d’emboucher la trompette, en deux proclamations lancées l’une à son armée et l’autre à son peuple. Mais le souffle manque, ou il est court, et, dessous, on entend comme un râle. « La puissance et la volonté de l’ennemi ne sont pas brisées. Nous devons continuer l’âpre lutte pour la sécurité de ceux qui nous sont chers, pour l’honneur de la patrie et la grandeur de l’Empire. Dans cette lutte décisive, quels que soient les moyens adoptés par l’ennemi, nous resterons en cette troisième année, ce que nous avons été. » Ou bien : « Nous avons encore de dures épreuves devant nous. Il est vrai qu’après la tempête terrible de ces deux années de guerre, tous les cœurs humains aspirent au rayon de soleil de la paix; cependant la guerre continue parce que le but de nos ennemis est aujourd’hui encore l’anéantissement de