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s’exposent aux pires inconvéniens qui, à l’approche de l’ennemi, décident de tenir les lieux difficiles et de garder les passages; presque toujours cette résolution sera dommageable si, dans ce lieu difficile on ne peut commodément masser toutes ses forces. L’exemple à suivre est plutôt celui de ces généraux qui, assaillis par un ennemi puissant, et leur pays étant entouré de montagnes et de lieux alpestres, n’ont jamais essayé de combattre l’adversaire dans les passages et sur les montagnes mêmes, mais se sont portés à sa rencontre par-delà; ou, quand ils n’ont pas voulu le faire, l’ont attendu derrière ces montagnes, en des lieux modérés (benigni), et non alpestres. Car, ne pouvant employer à la garde de ces passages beaucoup d’hommes, soit parce qu’ils ne sauraient y vivre longtemps, soit parce que ces lieux resserrés ne sont capables d’en contenir que peu, il n’est pas possible d’y soutenir le choc d’un ennemi qui vient en nombre, les attaquer; mais lui, cet ennemi, il lui est facile de venir en nombre, parce que son intention est de passer, non point de rester... Si, par conséquent, vous perdez ce passage que vous vous étiez proposé de tenir, et dans lequel vos peuples et votre armée avaient placé leur confiance, il en résulte le plus souvent, dans le peuple et dans le reste de vos gens, une telle terreur, que, sans pouvoir expérimenter leur valeur, vous avez perdu ; et c’est ainsi qu’on perd toute sa fortune avec une partie de ses forces. » Mais, nous le savons, c’est folie que de jouer un tel jeu, et nous le savons également, la Roumanie ne l’a point joué. Quand, pour son incursion en Transylvanie, l’armée roumaine s’est d’abord efforcée de tendre entre le Kelemen et la Tour-Rouge, dans l’arc que forment les montagnes, une corde sur laquelle elle pourrait plus rapidement se mouvoir, elle portait au-delà des passages mêmes la défense des passages. Cette offensive qui, sous un de ses aspects, et subsidiairement, pouvait être regardée comme une défensive préalable, a été brisée. Les Roumains se sont alors repliés sur les Alpes et sur les Carpathes, où la nature les a tout de suite mis en état d’infériorité, puisqu’il y avait trop de cols pour qu’il leur fût possible de tenir chacun de ces cols avec assez de troupes. Reste la défensive en arrière. Le général Cadorna en a donné, sur le plateau des Sette Comuni, entre Arsiero et Asiago, un excellent modèle. Lui aussi, peut-être, il avait voulu faire, au début des hostilités, de la défensive préalable, en marchant sur Rovereto, qui lui représentait moins encore l’entrée du Tyrol autrichien que la clef de la maison italienne. Du val Lagarina au val Sugana, dans le Cadore, la Carnie et les Alpes Juliennes, il était allé défendre la frontière du royaume