Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 38.djvu/234

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reparaître des noms autour desquels le silence s’était fait : Sailly-Saillisel, Bouchavesnes, Beaucourt, Puisieux, Souchez, Givenchy, Vermelle, Neuville-Saint-Vaast, Neuve-Chapelle. Les Anglais ont, morceau par morceau, enlevé le village de Grandcourt, la ferme de Baillescourt, les positions de Miraumont et du Petit-Miraumont. Ce ne sont, si l’on le veut, que des opérations de détail, et modestement les communiqués officiels les présentent ainsi ; mais, dans chacune d’elles, il a été cueilli des centaines de prisonniers, et réalisé une avance d’un kilomètre au moins en profondeur sur une largeur de plusieurs kilomètres. Si bien qu’en rassemblant et en relisant à la suite tous ces communiqués dispersés dans la quinzaine, l’idée vient qu’on a devant soi moins des opérations de détail que les détails d’une même opération, et que tous ces mouvemens s’articulent. Sur toute son étendue, le front britannique, qui, généreusement alimenté, s’est à la fois allongé et épaissi, est en éveil. Pas plus qu’une hirondelle, pour le soleil, une escarmouche, pour la bataille, ne fait le printemps; mais toutes ces escarmouches dans le même moment l’annoncent.

A l’autre extrémité du champ de bataille universel, les armées de la Grande-Bretagne sont également en pleine action. Elles travaillent énergiquement à venger, sur le Tigre, dans Kout-el-Amara même, la défaite héroïque du général Townshend, donnant un exemple de plus de la persévérance anglaise, digne de la constance romaine. Cette haute et solide vertu est ce qui fait l’Angleterre si formidable ; très lente à se lever, elle est encore beaucoup plus lente à se rasseoir, et quand elle tient, elle ne lâche plus. Elle ne s’engage qu’à bon escient, en pesant le pour et le contre, en examinant tout et comme en se défendant; mais alors, elle s’engage tout entière, corps et âme, vie et biens, et le temps ne compte pas plus pour elle que l’argent. Ce qui lui avait le plus coûté jusqu’à présent, ce qu’elle était historiquement habituée à épargner, c’étaient les hommes de son sang ; par une révolution dont ceux qui la connaissaient le mieux l’avaient longtemps estimée incapable, elle les risque aujourd’hui par millions dans ce conflit où elle jette l’or par milliards. La cavalerie de Saint-Georges a désormais une infanterie. Une nouvelle force est née qui ne fera que grandir, et en quelque manière une nouvelle puissance parmi les Puissances européennes. L’Angleterre, avec une armée, devient en quelque manière une nation continentale. L’instinct allemand ne se trompe pas absolument en cherchant à Londres le centre de la guerre.

Le front italien, le front roumain et le front russe, à part les canonnades accoutumées et quelques fusillades accidentelles, subissent