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19 novembre, que Sa Seigneurie ne peut point vous permettre de retourner en cette île. » A la vérité, Las Cases avait montré quel cas il faisait des règlemens qu’il avait promis d’observer, et ainsi s’expliquaient le ton et le fond de la réponse. Serait-on plus heureux avec d’autres ? Mme de Montholon écrit donc, le 31 janvier 1820, à lord Holland pour lui exposer la nullité et l’ignorance des personnes nouvellement arrivées à Sainte-Hélène. « L’Empereur, ajoute-t-elle, a absolument besoin d’un homme qui non seulement ait sa confiance, mais qui sache le comprendre ; c’est la seule consolation qui lui reste, et il n’est que trop à craindre que de longtemps il ne lui en soit pas accordé d’autre. » Son mari ne peut pas partir sans avoir été remplacé. Lord Bathurst, auquel elle s’est adressée, n’a pas refusé formellement, mais il ne s’est pas expliqué sur sa demande.

Lord Bathurst ne paraît point convaincu de la nécessité d’un remplaçant et ses sentimens apparaissent nettement dans la réponse qu’il fait à lord Holland le 15 février : « Quand même Montholon, dit-il, aurait résolu de ne quitter Sainte-Hélène qu’après l’arrivée d’un secrétaire auprès de la personne de Bonaparte, il peut partir, car ce désir est accompli. Le prêtre qu’on a envoyé a été choisi par le cardinal Fesch conformément aux instructions données à Son Eminence par Buonaparte à ce sujet, et ces instructions, comme vous pensez bien, concernaient bien plus les aptitudes civiles que religieuses de la personne en question. » A la vérité, c’était exactement le contraire, et la perspicacité du ministre des Colonies se trouvait en défaut, à moins qu’il ne voulût exercer son ironie ; mais qui eût pu imaginer cette incroyable histoire ? Qui eût pu penser qu’à l’Empereur réclamant un prêtre avec lequel il pût s’entretenir du grand problème, on envoyât un vieillard paralysé et presque stupide, et un pâtre des montagnes de Corse ? Il se trompait encore étrangement, — et pourtant il avait eu en mains des lettres de Montholon à sa femme de septembre, octobre et novembre[1] — lorsqu’il croyait que « la demande de Mme de Montholon n’était autre chose qu’une attrape et que peut-être elle se rapportait beaucoup plus à l’opposition entre Bertrand et Montholon qu’à toute autre chose… « Ce que je veux faire

  1. Les lettres du comte et de la comtesse de Montholon publiées par M. Gonnard sont extrêmement, incomplètes et presque tout ce qui est relatif aux querelles de Montholon avec les Bertrand y est omis.