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faudrait pas imaginer là-dessus un internement sinistre : les sons du piano, les chants qui viennent de partout auraient vite fait de vous détromper. Voici d’ailleurs, dans ses grandes lignes, la vie du soldat anglais au camp. Lever à sept heures. Déjeuner composé de lard et d’œufs. Exercices d’entraînement dans les terrains avoisinant le camp : lancement de la grenade, tirs, épreuves de gaz asphyxians. Retour au camp. Dîner composé de bœuf alternativement bouilli ou rôti et de légumes. Sports. Football. Ensuite bains-douches dans les baraquemens d’hydrothérapie que comporte chacun des camps. Vient ensuite l’heure du thé qui se prend avec des tartines de pain beurré agrémenté de confitures. Là-dessus lecture du rapport affiché à la porte du mess des sous-officiers. Les hommes alors se dispersent dans les baraques mises à leur disposition par l’Y. M. C. A. (Association chrétienne des jeunes gens) et qui contiennent piano, feu, lumière et thé. Après quoi, c’est le souper, repas léger. Mais comme le coucher n’a lieu qu’à neuf heures, pour occuper jusque-là les loisirs des hommes, des séances de cinéma leur sont offertes, dans des baraques appartenant à chaque camp. Lorsque sonne l’heure de dormir, les hommes s’étendent par dix ou douze, enroulés de deux couvertures de laine, sur le plancher de la tente, les pieds à l’axe central.

On avait amené ici par canalisation l’eau de la ville de Rouen pour la consommation si considérable de régimens entiers qui se baignent et se douchent tous les jours sans omission. Mais, dans la crainte que, par un accident des conduites, cette eau ne vint à manquer, on éleva sur des supports hauts à de dix mètres de gigantesques réservoirs toujours pleins, et contenant l’eau nécessaire aux besoins du camp pour plusieurs jours. C’est ce monument aérien que l’on voit de loin dominer la grande plaine.

Aux abords des baraquemens de la cuisine, dont l’intérieur est soigné comme dans les grands hôtels de Londres, aucun déchet, aucune odeur fâcheuse : tout détritus est brûlé chaque jour, et les eaux de vaisselle ont partout des conduits souterrains étroitement surveillés, par lesquels on les dirige vers des puits où elles se perdent.