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brigade, deux capitaines du génie, trois capitaines d’infanterie, une compagnie d’artillerie légère avec trois pièces de huit et deux obusiers. Un ancien archidiacre, député du clergé aux États généraux, défroqué, marié et devenu fondeur de canons, Pampelonne, avait, quelques mois auparavant, été envoyé à Constantinople avec soixante-dix artistes et maîtres ouvriers, pour installer une fonderie, un atelier d’affûts, de construction et de réparation de fusils, une poudrerie et une salpêtrière. Tout cela relevait de la mission : le général Bonaparte avait failli y être employé.

Seulement la mer était fermée : pas plus que Pampelonne, Dubayet ne put rejoindre son poste par les voies habituelles. Ayant reçu le 16 germinal (5 avril) son audience de congé du Directoire, il mit quinze jours à gagner Grenoble où il s’arrêta près de sa femme et de sa fille qui devaient prochainement le rejoindre ; de là, il gagna Toulon où il arriva le 16 floréal (5 mai) ; mais, quel que fût son désir d’aborder majestueusement à Constantinople avec « ses deux frégates, » il dut se borner à quelques promenades en mer, ponctuées par l’échange d’inoffensifs coups de canon avec les croisières anglaises, et il reçut, le 22 messidor (10 juillet), l’ordre de rejoindre son poste par terre en prenant par Venise et l’Albanie.

Le voyage dura près de trois mois, du 24 messidor (12 juillet) au 1er vendémiaire an V (1er octobre 1796). Dubayet arriva à son poste plein de prétentions vaniteuses et d’inquiétudes despotiques qui les unes et les autres tournaient au délire. L’accueil qu’il avait reçu du pacha de Bosnie avait encore exaspéré le goût qu’il avait pour la pompe, les honneurs et les discours et l’on pouvait s’attendre qu’il réclamerait pour son entrée, en qualité d’ambassadeur, des distinctions extraordinaires. Il excédait tout le monde, à commencer par Verninac, son prédécesseur, qui avait fait beaucoup de besogne, négocié un traité, obtenu l’envoi en France d’un ambassadeur, et qui pour récompense était rappelé. Quant à son personnel, il l’avait égrené le long de sa route. D’Avignon, il écrivait : « Je me suis un peu brouillé avec mon maître d’hôtel et mon secrétaire, ces citoyens m’ont mis le marché à la main et j’ai accepté. » De son aide de camp, le chef d’escadron Caulaincourt (celui qui fut duc de Vicence, grand écuyer, ambassadeur en Russie), il écrivait dès lors : « J’ai de puissans motifs de