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la dernière minute, les gouvernemens ? La main qui s’apprête à frapper Constantin risquerait alors d’être retenue ou tout au moins gênée.

Pour échapper à ces risques, il n’y a qu’un moyen, toujours le même : précipiter les événemens. A quelque chose, d’ailleurs, malheur est bon. Constantin, précisément parce qu’il sait tout, n’ignore pas les hésitations qui peuvent se produire dans les gouvernemens, alliés. Il compte bien en bénéficier une fois de plus. Ce n’est certes pas la première menace qu’il reçoit de l’Entente. Il y a juste un an, une puissante escadre alliée est venue dans la rade de Salamine ; elle était suivie de transports qui amenaient un corps de débarquement. L’escadre n’a rien fait ; le corps de débarquement n’a pas débarqué ; les palabres diplomatiques ont recommencé de plus belle. Pourquoi n’en serait-il pas de même cette fois encore ?

M. Jonnart, tout à son désir de presser le plus possible l’opération, décide de partir le soir même pour Salonique. Entre temps, M. Robert David s’était rendu à Athènes où il avait eu une entrevue avec M. Zaïmis, président du Conseil, dont il était depuis longtemps l’ami. M. Zaïmis lui manifeste le désir de venir causer avec le Haut Commissaire dès son retour de Salonique. Voilà qui tombe à merveille. Le Haut Commissaire des Puissances, portant la paix ou la guerre dans les plis de sa toge, ne pouvait guère, pour des raisons que l’on comprend, se rendre de sa personne dans la capitale de Constantin que ses vaisseaux seraient peut-être obligés de bombarder. Le chef du gouvernement grec offrant de venir jusqu’à lui, c’était le fil tout trouvé, par lequel ses messages, même les comminatoires, seraient transmis à leur destinataire.

Le 6 juin, à cinq heures et demie du soir, le Mangini appareille pour Salonique. La mer devient forte, la nuit, dans le canal d’Oro. A l’entrée du golfe de Salonique, on rencontre, en plein chenal, une mine flottante. Le Mangini fait un crochet pour l’éviter, et le Protée, qui suit, tire sur elle un obus qui la fait exploser.

Le 7, à neuf heures du matin, les deux torpilleurs jettent l’ancre dans la rade de Salonique. Le contre-amiral Salaün, commandant les forces navales, monte aussitôt à bord. Il conduit à terre le Haut Commissaire et les membres de la mission. Le général Sarrail les reçoit, accompagné de M. de Billy,