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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/144

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RUPERT BROOKE

« … Dites : il a aimé. » C’est là ce que le jeune poète anglais, Rupert Brooke, a désiré qui fût retenu de lui, après sa vaillante mort. Ce qu’il a aimé ? La vie et l’immortelle beauté ; l’Ile natale partout regrettée et que, du fond de l’Amérique, il accourut défendre ; la liberté, enfin, pour laquelle il vient de tomber, dans la fleur la plus orgueilleuse de la jeunesse.


Instincts ordonnés, maîtrise de soi, mélancolie, esprit d’inquiétude, humour, scepticisme léger, exquise aménité, — toute la nature britannique la plus moderne vivait, merveilleusement incarnée, sous la forme charmante de Rupert Brooke.

La passion, bien anglaise, elle aussi, des voyages, le hantait. Frais émoulu de l’Université de Cambridge, l’adolescent brûlait du désir de quitter son « home » de Grantchester, tant aimé cependant, pour s’en aller visiter l’Europe : avec entrain, il fit le tour de la Sicile, eut un awfully good time à Munich, s’arrêta à Berlin. Mais tout ce qu’il vit, tout ce qu’il entendit là, choqua profondément son goût de l’imprévu, de la liberté individuelle, de la fantaisie, de l’élégance, et le renvoya, animé de plus de tendresse et d’admiration qu’auparavant, à sa terre natale :


(Écrit au « Café des Westens, » Berlin, mai 1912.)

«… A présent, le lilas doit être en fleur, devant ma petite chambre, à Grantchester, et, dans mes plates-bandes, je pense, les œillets sourient et les pois de senteur. Là, les châtaigniers, durant tout l’été, font pour vous, près de la rivière, un tunnel