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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/341

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à leur cause, ne l’abandonneraient pas, même si elle était forcée de signer une paix temporaire avec ses ennemis. L’heure viendra du règlement de comptes définitif où les droits des nations seront restaurés, l’heure de la révision des accords provisoires qui seraient arrachés par l’Allemagne et ses complices à des adversaires vaillans et malheureux.

La paix générale pourra seule décider de l’avenir de la Roumanie et des autres États qui, au risque de leur existence, se sont levés à côté des Grandes Puissances pour la défense de l’indépendance de l’Europe. A la Conférence de la paix, les Grandes Puissances n’oublieront pas les petites, ni les infortunes imméritées qu’elles ont supportées dans l’intérêt commun. La péninsule balkanique et la région danubienne, foyers d’intrigues germaniques, feront certainement l’objet d’un règlement spécial. La politique allemande cherche à y installer l’hégémonie des Empires centraux et à en interdire l’accès aux Puissances occidentales. Que le Danube devienne un fleuve allemand, que les Balkans ne soient plus qu’une marche de l’Autriche-Hongrie et de l’Allemagne, grevée à leur profit d’une servitude de passage pour atteindre Constantinople et Salonique, c’est là ce qu’on veut à Vienne et à Berlin.

La politique des Alliés, en présence de ces visées indéniables, ne sera-t-elle pas d’en prendre le contre-pied ? Favoriser la formation d’un bloc balkanique où tous les États intéressés auraient la certitude, sous la protection des Puissances de l’Alliance, de vivre indépendans, de se développer sans contrainte à l’intérieur de frontières équitablement fixées ; persuader à ces États d’enterrer profondément les rivalités et les haines qui les ont livrés à leurs ennemis étrangers, pour ne s’occuper qu’à panser les blessures faites par la guerre ; les inciter à contracter des unions douanières, — premier stage de leur rapprochement et prélude d’unions plus intimes, — faciles à établir entre pays peu industrialisés et vivant de l’exportation des produits du sol. Dans ce cadre commun, qui embrasserait le bassin inférieur du Danube, la Roumanie occuperait une place considérable. Elle ne resterait pas exposée aux dangers que sa situation de sentinelle perdue de la race latine aux confins de l’Orient ne manquerait pas de lui attirer, tant que ne s’ouvrira pas l’ère pacifique, dont on nous promet la venue.


BEYENS.