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agressions. Sûre de l’amitié de l’Italie qui garde la partie montagneuse de l’isthme latin, la France doit être séparée de l’Allemagne par la plus forte limite que comporte le sol. Et la carte montre que cette limite est au Rhin.

Ces considérations, qui vaudraient d’être développées, et que nous nous excusons de présenter sous forme d’aphorismes, doivent être connues, dès maintenant de l’opinion publique. La véritable victoire sera moins dans les nouvelles délimitations de frontières et dans la juste part faite aux nationalités par la libération de tout ce qui a été opprimé par la force brutale, que dans les conditions économiques de l’après-guerre. Et l’Allemagne, qui sent bien qu’elle marche, malgré tant de succès militaires, vers la défaite et la capitulation, songe surtout à réserver ses frontières économiques. Elle a fait la guerre pour conquérir les marchés du monde, et on a pu dire avec raison qu’elle aurait pu les conquérir sans faire la guerre. Elle prépare déjà, au milieu de la bataille, la reprise de son activité économique[1], et c’est par là qu’elle doit être atteinte le plus sûrement et le plus gravement par les Alliés victorieux, c’est par là qu’elle peut surtout payer la rançon de son crime. Je souhaite que les gouvernemens alliés, le nôtre surtout, en soient bien convaincus et ne se laissent pas duper une fois de plus par les surprises du tapis vert !


Nos lecteurs auront tiré eux-mêmes les conclusions des considérations militaires, géographiques et économiques que nous venons d’exposer bien sommairement.

La frontière du Nord-Est doit être reportée aux limites normales de la Lorraine et fixée sur les positions essentielles qui en

  1. Le vice-chancelier Helfferich préside lui-même une Commission siégeant à Berlin, chargée de cette préparation, et on peut faire crédit à ce point de vue à l’esprit d’organisation disciplinée de l’Allemagne. Cette Commission a une succursale, à Berne, en Suisse, composée de plus de 600 industriels et commerçans qui ont pour tâche, indépendamment des relations personnelles et étroites d’amitié et d’affaires qu’ils doivent avoir avec la Suisse, de rechercher tous moyens directs ou détournés, — personnes interposées, sociétés allemandes camouflées d’étiquettes suisses, etc. — par lesquels les relations d’affaires pourront être reprises dès l’armistice, avec les puissances de l’Entente et les neutres. L’Allemagne compte sur ses stocks industriels et sur la désorganisation des industries alliées pour reprendre rapidement sa clientèle et l’augmenter. Ainsi se préparera-t-elle à de nouvelles luttes !