Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/402

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous plaçons qu’au point de vue de la frontière militaire. L’avenir dira si entre les deux frontières militaires, celle de Lorraine et d’Alsace que d’aucuns trouveront sans doute trop modérée, et celle de l’Allemagne, le Rhin, de Spire à Wesel, les populations resteront fidèles à leurs attaches germaniques ou se rapprocheront de la France et de la Belgique avec lesquelles elles ont été et sont en constans rapports d’intérêts. N’oublions pas que la Prusse n’est venue au-delà de la rive gauche du Rhin que par usurpation, et qu’elle fut appelée en 1815, presque contre son gré, à devenir le garde-chiourme de la coalition contre la France vaincue, à l’instigation des ministres anglais. Je ne vois pas d’ailleurs en quoi les peuples allemands, s’ils arrivent à se démocratiser sincèrement et à reprendre leurs anciennes libertés, pourront souffrir de cet état de choses en tant que leurs relations économiques avec le monde seront sauvegardées ! Certes, nous ne perdons pas la mémoire de ces temps glorieux, où le rêve de la Révolution avait été réalisé par la première République, où le traité de Baie nous donnait, du consentement de l’Autriche, de la Prusse et de l’Angleterre, la rive gauche du Rhin. Mais nous ne sommes plus en 1795 ! À cette époque, les armées de la République occupaient la Belgique et la Hollande. Les Pays-Bas sortaient de la vassalité impériale et se laissaient facilement absorber par la France révolutionnaire.

Aujourd’hui, ce sont deux États indépendans, et la Belgique a prouvé quel prix elle attachait à son indépendance. Elle aura droit, elle aussi, à des rectifications de frontières, peu importantes territorialement, mais les sorties de l’Escaut, par exemple, ne lui reviennent-elles pas pour rendre la liberté à Anvers ? La question du Luxembourg devra être réglée aussi. Il tombe sous le sens qu’avec l’éloignement de l’Allemagne, le Luxembourg doit être mis sous la tutelle de la France et de la Belgique et englobé dans les frontières militaires. Un référendum pourra décider ou de son autonomie ou de son rattachement aux deux pays protecteurs.

On voit donc que l’annexion à la France des pays rhénans, en plus de son caractère politique discutable, créerait au Nord de notre pays un saillant aigu vers le Nord, tout à fait en désaccord avec la contexture géographique de la France, et ne présentant que des inconvéniens au point de vue militaire.

Le retour à la frontière de 1789, avec ses rectifications