Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/425

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
CARL SPITTELER

I
LA PÉRIODE PESSIMISTE<

Nous n’aurons jamais trop d’égards pour nos amis de l’étranger. En Suisse alémanique, nous avons eu pour nous, dès le début de la guerre, des artistes très fêtés en Allemagne, peu connus chez nous : le peintre Hodler, le poète Spitteler. Le 24 avril 1915, l’Académie française envoyait en reconnaissance « au grand poète Charles Spitteler, dont les compatriotes fêtent aujourd’hui le soixante-dixième anniversaire, son salut confraternel. » Au banquet organisé en l’honneur du poète par la revue genevoise Pages d’Art, les télégrammes de sympathie ont afflué de France, signés des plus illustres noms. Des journaux, des revues ont consacré à Spitteler quelques lignes ou quelques pages. Des traductions ont commencé à répandre dans le public les œuvres en prose de Spitteler, les plus accessibles aux traducteurs comme aux lecteurs.

Il reste à présenter au public l’œuvre de Spitteler dans son ensemble, et principalement ses grands poèmes symboliques, Prométhée et Épiméthée, le Printemps olympien.

Avant la guerre même, et sans que Spitteler s’en soit douté[1], ces ouvrages ont eu chez nous des lecteurs peu nombreux, mais fervens. Il est de simple justice qu’aujourd’hui nous

  1. En décembre 1914, Spitteler prononçait publiquement ces paroles : « Mes amis français, je puis les compter sur mes doigts ; la main gauche y suffit, et même je n’ai pas besoin du pouce ni du petit doigt. Je peux même plier les trois autres doigts. En France, je voyage solitaire, inconnu, entouré d’étrangers défians et méfians. » [Notre point de vue suisse, Zurich, 1915.)