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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/456

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que l’homme muni de skis ou de raquettes s’y aventure sans risque et n’enfonce pas.

C’est pourquoi encore les roues des grosses pièces d’artillerie, — ceux qui n’ont point vu cela au front le peuvent voir au cinéma, — sont munies, tout autour, de palettes articulées plates dont chacune, pendant la marche ou le recul de la pièce, vient successivement, comme un large pied, poser tout entière sur le sol. La roue ordinaire est en effet un très mauvais organe d’avancement dans un terrain meuble. C’est ce qui fait que les autos ordinaires n’y peuvent avancer facilement, car le poids total du véhicule, repose sur la très petite fraction de la surface des roues qui touche le sol — simple point de tangence.

C’est pourquoi le large pied de l’éléphant est déjà une bonne solution, car l’éléphant peut avancer dans des terrains où la légère gazelle aux pieds fins s’enlizerait. Mais il y avait encore une meilleure solution, c’est celle du caterpilar (chenille, en anglais) que l’agriculture nous a fournie.

On sait qu’en Amérique d’abord, et, depuis, un peu partout, on a remplacé de plus en plus les chevaux par des automobiles pour la traction des charrues et des autres instrumens agricoles. Or, la nécessité de déplacer ces machines dans la terre molle des labours a amené les Américains, plusieurs années avant la guerre, à créer des tracteurs, dits caterpilars, où les roues sont remplacées par une sorte de trottoir roulant sans fin, analogue à celui qui, dans les grands magasins, transporte les voyageurs ou les paquets. Le caterpilar est fait d’une série de palettes ou de sabots plats, larges et articulés, formant un ruban ininterrompu qui tourne avec les roues dentées sur lesquelles il est tendu, et que meut le moteur comme la chaîne d’une bicyclette est mue par ses pignons.

Il y a encore d’autres modes de transmission du mouvement du moteur au caterpilar mais ces détails techniques n’importent guère ici.

Il est clair qu’un tel mode de propulsion permet à des masses considérables d’avancer en terrain mou, car elles sont réparties sur une large surface de ruban en contact avec le sol, et c’est ainsi qu’un véhicule monté sur caterpilars pourra être des centaines de fois plus lourd que s’il est sur roues, sans enfoncer davantage. C’est d’ailleurs bien à tort qu’on a appelé chenille ce mode de propulsion, car la chenille ne progresse nullement d’une manière analogue, mais en s’aggrippant au sol de l’avant de son corps pour s’allonger après, en prenant point d’appui de l’arrière, et ainsi de suite.