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les commandes. Il ne craint pas, hors les exercices, tandis que les camarades flânent, de remonter sur l’appareil, comme un enfant sur un cheval de bois, et de prendre les leviers en main. Au départ, il cherche le moment précis du décollage, la ligne d’ascension la plus aisée ; en course, il se fait son assiette, évitant de trop piquer ou de trop cabrer, maintenant le vol horizontal, assurant ses deux équilibres, latéral et longitudinal, s’accoutumant aux vents, adaptant l’amplitude des mouvemens à chaque sorte de remous. Et quand il redescend, à mesure que le sol paraît se précipiter sur lui, il se rend compte de l’angle et de la vitesse de descente et trouve la hauteur où ralentir son vol. Bien que ses débuts aient été assez habiles pour que ses premiers moniteurs demeurassent convaincus longtemps qu’il avait déjà piloté, il ne faut pas tant, chez Guynemer, admirer le don que l’obstination. Il réussira mieux que les autres, parce qu’il s’est épuisé toute sa courte vie à vouloir mieux réussir, — mieux réussir pour mieux servir. Il travaille plus que tous les autres, il recommence quand il n’est pas satisfait de lui-même et il veut découvrir les causes de ses erreurs. D’autres sont aussi bien doués que lui pour le pilotage, mais son énergie dépasse la commune mesure, dépasse toutes les mesures.

Elle s’exerce dans tous les domaines. Il a rompu son corps à compléter, pour ainsi dire, l’avion. Il sera le centaure de l’air. Le vent qui souffle dans ses haubans et ses toiles le fait lui-même vibrer comme les cordes à piano. Si sensible, il se dirige comme avec ses gouvernails. Rien de ce qui concerne ses voyages ne lui est étranger, rien n’est négligeable à ses yeux. Il apporte un soin méticuleux à vérifier ses instrumens de bord : le porte-carte, la boussole, l’altimètre, le compte-tours, l’indicateur de vitesse. Avant chaque vol, il s’assure par lui-même que son appareil est en parfait état. À la sortie du hangar, il l’examine comme un cheval de course. Son application n’est jamais en défaut. Que sera-ce quand il disposera d’un avion à lui ?

À Pau, il multiplie les sorties, il change de marque, passe du Blériot Gnome au Morane. Les altitudes varient entre 500 et 600 mètres. Le 21 mars, il passe à l’école d’Avord. Le 28, il monte à 1 500 mètres ; le 1er avril, à 2 600. Les vols s’allongent : une heure, une heure et demie. La descente en spirale d’une