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ce dernier vire et pique en spirale, poursuivi à bout portant à 1 300 mètres. Il tombe à 3 kilomètres des lignes. Je redresse et le perds de vue. (Cet avion avait les ailes de la teinte jaune habituelle, le fuselage de la teinte bleue du N. et semblait profilé comme celui des monocoques.) À 11 h 50, attaqué un L. V. G. qui pique immédiatement dans les nuages où il disparaît. Atterrissage à Amiens. » Il vide le ciel de tout Boche : deux fuites et une chute, c’est un beau tableau. Toujours il attaque. De ses yeux exacts il arrache l’ennemi au mystère de l’espace et, plus haut que lui, tente de le surprendre. Le 5, devant Frise, il coupe la route à un autre L. V. G. qui rentre dans ses lignes, il l’aborde de face, vire au-dessus, se place derrière et le foudroie. Le Boche s’abat en feu entre Assevillers et Herbécourt : un de plus, et celui-ci a les honneurs du communiqué officiel. Il lui arrive de rentrer avec son avion et ses vêtemens criblés de balles. Il promène l’incendie et le massacre dans les airs. Et ce n’est rien encore, rien que l’enfance d’un paladin qui s’exerce. On le verra bien quand il aura acquis toute sa maîtrise.


Février 1916 : mois où commence la plus longue, la plus opiniâtre, la plus cruelle et, peut-être, la plus significative des batailles de la Grande Guerre. Mois des origines de Verdun et de la menaçante avance allemande sur la rive droite de la Meuse (21-26 février), au bois d’Haumont, au bois des Caures, à l’Herbebois, puis sur Samogneux, le bois des Fosses, le bois le Chaume, Ornes ; enfin, le 25 février, sur Louvemont et Douaumont. Les escadrilles, peu à peu, prennent cette direction. Guynemer va quitter la VIe armée. Il ne viendra plus virevolter au-dessus de la maison paternelle, annoncer aux siens ses victoires par ses cabrioles. Il ne sera plus le gardien qui veille sur son propre foyer quand il patrouille au-delà de Compiègne sur Noyon, Chauny, Coucy, Tracy-le-Val. Le lien qui le rattachait encore à son enfance, à son adolescence, va se détendre. Le 11 mars, l’escadrille des Cigognes reçoit pour le 12 l’ordre de départ. Elle prend son vol pour la région de Verdun…

L’aviation de chasse allemande n’avait pas cessé de progresser au cours de l’année 1915. Mais au début de 1916, voici qu’elle apparaît devant Verdun, plus homogène, mieux ins-