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en même temps à dissoudre la garde nationale, trop bourgeoise, à destituer le directeur du Comptoir d’Escompte, trop conservateur, enfin à détruire par tous les moyens l’alliance des républicains et des légitimistes qui, jusqu’ici, avait procuré l’apaisement.

Il fut facile de démontrer à Ledru-Rollin que ces mesures seraient désastreuses. Sous l’influence de Lamartine, il mit au panier les accusations et les réformes du commissaire général, et ne lui accorda qu’une maigre satisfaction : le commissaire de la République ne gouvernerait plus le département du Var ; il prendrait le titre de préfet des Bouches-du-Rhône et bornerait sa juridiction à ce département. Emile Ollivier fut ravi de la solution : le fardeau de deux départemens était lourd, et déjà, de lui-même, il avait demandé qu’on le réduisit. Les populations du Var, au contraire, furent désolées. L’amiral Baudin exprima son regret, écho du regret général :

« Quel que soit l’homme qui vous succède, écrivit-il (22 mars 1848), il ne pourra vous remplacer. Il aura peut-être la foi, mais aura-t-il, comme vous, la charité ? Vous avez fait ici aimer la République. C’est donc pour le pays d’abord et pour moi personnellement que je regrette la cessation de nos rapports officiels. Mais, à défaut de ces rapports de service public, il restera toujours entre vous et moi cet ordre de sentimens qui lie pour la vie un homme à un autre homme, une haute estime pour vos qualités, une vive sympathie pour votre caractère. — C. BAUDIN. »

C’était encore une bataille gagnée. Une autre remplit le cœur d’Emile Ollivier d’une joie plus douce. Le 28 avril, son père fut nommé député à la Constituante par 58 700 suffrages sur une liste où figuraient Lamartine, Lamennais, Berryer. Le peuple de Marseille rendait à Démosthènes son affection d’autrefois, et le père et le fils se voyaient réunis dans la faveur de leurs compatriotes.

Une seule de ses entreprises lui donna une amère déception.

Abd-el-Kader, retenu captif par Louis-Philippe, malgré l’engagement pris par le duc d’Aumale de lui laisser sa liberté, était prisonnier au Fort Lamalgue près Toulon, lorsque la République remplaça la royauté. Emile Ollivier, convaincu que cette République, qui professait la haine des erreurs monarchiques, allait faire droit à la parole donnée et rendre