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A côté de ces initiatives pratiques par lesquelles la France réalisa, chez elle et au dehors, les intentions du Concile de Trente, nous la voyons poursuivre et développer, en face de la Réforme protestante, cette sorte d’ « exposition » de la pensée catholique, à laquelle le Concile avait cru nécessaire de procéder lui-même. La France de l’Édit de Nantes, où les deux confessions chrétiennes coexistent, produit des œuvres d’apologétique catholique auxquelles rien ne peut se comparer, à cette date, dans aucun pays. L’Espagnol ou l’Autrichien, qui tenaient à distance le sectateur de la Réforme, étaient beaucoup moins pressés de controverser contre lui, que ne l’était le catholique de France, qui le coudoyait. « Parmi tant d’habiles gens que l’Eglise romaine peut employer, disait Bayle, il y en a peu qui sachent manier une controverse comme Nicole. » Sa Perpétuité de la foi, ainsi que les livres d’Arnauld contre la morale calviniste, circulèrent dans toute la chrétienté. Mais le grand auxiliaire de Rome en face de la Réforme, c’est Bossuet.

Trente ans durant, il fut réputé dans toute l’Europe comme étant la personnalité catholique avec laquelle la Réforme pouvait causer et qui n’aspirait de son côté qu’à causer avec elle, en vue de l’union, et comme l’homme de doctrine qui déterminait, d’une façon sûre, les positions doctrinales de son Église. De son contact à Metz avec le pasteur Ferry, de son contact à Paris avec un Dangeau, un Turenne, un Lorge, de cette liberté d’approche entre les deux confessions, qui n’existait alors en aucun pays, ni protestant ni catholique, un petit livre sortit en 1671, que lut l’Europe cultivée : ce fut l’Exposition de la doctrine de l’Église catholique. A Rome, tout de suite, on songea à le faire traduire ; en 1672, une édition anglaise parut ; en 1673, une version allemande se préparait ; en 1673, à Rome même, la typographie de la Propagande imprimait une traduction irlandaise ; en 1678, c’était, une traduction flamande. Un bref d’Innocent XI, en 1679, approuvait en termes exprès la traduction italienne. A son tour, l’Histoire des Variations fut un événement européen : l’ampleur du livre ne découragea pas les traducteurs. Ils le firent passer en italien du vivant même de Bossuet, et plus tard en latin, en allemand, en anglais. Pour le combattre, toute la Réforme se leva, Basnage et Jurieu, et l’anglican Burnet, et le Genevois Turrettini, et l’Allemand Seckendorf. En 1720, le théologien de Tubingue, Pfaff, jugeait