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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/633

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Il y a en Chine plus de 1 400 000 catholiques : sur ce nombre, en 1915 et 1916, les Lazaristes en évangélisaient 509 208 ; les Missions étrangères, 315 861. Joignez-y 10 700 fidèles ressortissant à des Franciscains de France ; près de 300 000 ressortissant à des Jésuites de France, qui ont brillamment repris en Chine les traditions de culture scientifique inaugurées au XVIIe siècle par les Jésuites de diverses nationalités : vous constaterez qu’en Chine les quatre cinquièmes à peu près des âmes sur lesquelles règne la foi romaine sont un apport de l’apostolat français. Française aussi, par son origine, est l’œuvre de la Sainte-Enfance, fondée en 1838 pour le rachat, le baptême et l’éducation des enfans chinois abandonnés, et dont le budget dépasse 4 millions, fournis par l’ensemble de la catholicité.

Dans cette péninsule indo-chinoise où Fallu et La Motte-Lambert portèrent leur zèle, le chiffre des catholiques est aujourd’hui de plus de 1 100 000, dont 807 700 relevaient, en 1916, des prêtres des Missions étrangères.

La Corée, où ces missionnaires firent descente au début de la monarchie de Juillet, n’a jamais connu d’autres apôtres ; ils y veillaient, l’an dernier, sur 86 405 fidèles. Ils aspirèrent, tout de suite, à trouver en Corée et dans les îles Riou-Kiou la porte du Japon. Un des leurs, Forcade, futur archevêque d’Aix, sans attendre qu’au Japon il fût de nouveau permis d’être chrétien et de faire des chrétiens, se fit, en 1844, jeter par une barque sur la côte prohibée. La loi était formelle : « Tant que le soleil réchauffe la terre, qu’aucun chrétien ne s’enhardisse jusqu’à s’aventurer au Japon. Fût-ce le roi d’Espagne en personne, fût-ce le Dieu des chrétiens, fût-ce Bouddha lui-même, quiconque désobéira à cette prohibition paiera de sa tête. » Forcade était prévenu ; il désobéissait. L’ascendant du résident hollandais, la proximité de nos marins, sauvèrent sa tête. Nommé par Grégoire XVI vicaire apostolique du Japon, il donna l’étonnant spectacle d’un évêque admis à prendre pied sur la terre japonaise, mais non point à y prendre langue avec un seul Japonais. Gardé à vue dans un port, il voulut négocier, mais en vain, et s’en retourna dire au Pape qu’il était un vicaire sans troupeau. Mais dans l’endroit de sa demi-réclusion, d’autres prêtres des Missions étrangères vinrent occuper son poste de chômage, attendant, non sans péril, l’heure où la diplomatie française allait amener le Japon à se rouvrir au christianisme.