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pour tâcher de surveiller la Revue[1]. » Après nos revers, en 1870, il se désespérait d’être trop vieux pour tenter, par l’organe de cette Revue, le relèvement des énergies morales de la France. Si la mort ne lui en accorda pas le temps, du moins le vieux fondateur eût-il la fierté de connaître que l’œuvre qu’il laissait réaliserait le souhait qu’il avait formé pour elle dans ses débuts difficiles : durer.


II. — LES PREMIERS COLLABORATEURS : A. DE VIGNY

Parmi les collaborateurs de la première heure, quelques-uns sont demeurés obscurs, d’autres furent célèbres et leur nom ne saurait périr : aux uns comme aux autres la Revue doit un souvenir de reconnaissance car, lorsque laborieuse et inconnue elle cherchait à vivre, ils furent les ouvriers de son succès, et demeurent les associés de sa gloire. Aux débuts d’une telle entreprise, il est sans doute heureux d’attacher de grands noms ; cependant d’autres hommes plus modestes se sont voués à la même tâche ; dans un labeur souvent ingrat, ils ont fourni l’effort quotidien nécessaire à la réussite. Ceux-ci ont partagé vraiment les fortunes diverses de l’œuvre commune, s’intéressant à sa grandeur, s’y dévouant de toute leur foi. De ces fidèles, la Revue était un peu la fille : il ne se passait pas de jour qu’ils ne vinssent prendre de ses nouvelles, causer du numéro prochain, et en escompter joyeusement le succès. Grands ou petits, célèbres ou inconnus, la plupart des rédacteurs se lièrent d’une fidèle amitié avec F. Buloz.

La Revue d’alors, redoutée au dehors, était simple et familiale au dedans ; sans luxe, — et pour cause, — le décorum y était inconnu, la façade inexistante ; une simplicité extrême y régnait, mais, dans le local modeste de la rue des Beaux-Arts, une union étroite s’établit bientôt entre le directeur et les écrivains ; de leur contact journalier, ils firent une intimité précieuse : les rédacteurs de F. Buloz devinrent, non seulement ses amis, mais ceux des siens, ils furent traités en familiers et eurent leurs entrées à toute heure dans la maison.

Alfred de Vigny fut parmi les artisans du début. En 1828, il avait quitté l’armée pour se vouer définitivement aux lettres.

  1. Maxime du Camp, déjà cité.