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pénombre. Du haut de son estrade, toutes portes ouvertes, le regard du roi pouvait s’étendre sur l’immense avenue qui mène au palais, l’avenue des ministères, où les maisons se reculent et s’inclinent jusqu’à terre comme pour laisser la route libre aux hommages. Aucune ville de l’Extrême-Orient ne m’avait encore offert une aussi noble perspective. Plus loin, la salle des fêtes, dont le plafond est soutenu par des colonnes de granit rose, s’avance au milieu d’un étang fleuri de lotus. Mais les habitations des dames de la cour, les chambres où les eunuques gardaient les concubines, ont pour la plupart disparu. De toute cette petite ville inextricable et mystérieuse, qui logeait trois mille personnes, il ne reste que des pavillons dont les fenêtres et les portes vertes ont un air de persiennes fermées. L’herbe envahit les cours ; la forêt a repris les bosquets et les jardins. Ce passé récent va bientôt rejoindre dans la mémoire des hommes les plus anciens passés. Il n’était pas sans grandeur ; et sa magnificence contraste avec la laideur et la médiocrité qui l’entourent.

Le type coréen est en général supérieur au type japonais. L’homme est plus grand, plus large d’épaules ; il a les traits plus réguliers, les yeux plus fins et plus vifs. Et l’on peut préférer à la figure allongée de la Japonaise aristocratique celle de la jolie Coréenne, qui doit avoir la rondeur et la blancheur dorée de la lune. Il est vrai que je n’en ai guère rencontré qu’une qui répondit à cet idéal. Elle était portée sur les épaules de deux hommes, dans une espèce de boite carrée noire et recouverte d’un toit de papier huilé. J’eus à peine le temps d’admirer son visage ambré, délicieusement joufflu, et ses yeux tendres. Mais on est moins frappé des qualités physiques de cette race que des singularités comiques de son accoutrement. Dans ce pays de boue, dans ces maisons enfumées et crasseuses, les gens ont l’amour paradoxal du blanc et des couleurs fragiles, qui jurent encore avec la manière dont ils s’en affublent. Une Japonaise, en kimono sombre, au milieu des Coréennes lourdement empaquetées et ballonnées, vous parait vêtue de grâce. À côté des geisha toujours si élégantes, si attentives à vous plaire, les petites danseuses coréennes, les cheveux lisses partagés sur le front et des bagues de jade aux doigts, ont la démarche empruntée d’adolescentes qui auraient mis les jupes de leur mère. L’expression de leur figure poupine