apparition. Cette fois, c’est une petite créature toute jeune, gaie, rougissante, engoncée dans son splendide caftan de brocart rouge lamé d’argent, avec la large ceinture de tissu d’or de Fez, raide comme un corset, et sur le front un diadème serti de pierres. Elle aussi nous prend la main, nous sourit, nous accompagne avec un joli babil d’oiseau ; puis une troisième nous rejoint au troisième étage, et guidées, entourées, nous gagnons enfin un grand « mirador » tout en haut du palais, d’où, à travers les nombreuses fenêtres, on voit la plaine poussiéreuse bordée de vieux murs rouges, la ville blanche qui les surmonte, et l’étincellement glauque de l’Atlantique.
Mais voici encore d’autres jeunes femmes qui arrivent, toutes jolies, avec une joliesse particulière, que je ne verrai nulle part ailleurs au cours de mon voyage. D’où viennent-elles, ces femmes aux ronds visages, aux pommettes légèrement saillantes, aux beaux yeux asiatiques un peu bridés, au teint brun et rosé de grenades mûres ? Leurs fortes lèvres rouges s’ouvrent, dans un sourire infiniment doux, sur les mêmes jolies dents, les mêmes mains souples et brunes sortent des lourdes manches de leurs caftans. Et, toutes, elles ont les mêmes mouvements jeunes et vifs, un peu entravés par les costumes de gala révolus pour la grande fête rituelle. Ces costumes, elles les garderont jusqu’au soir, car le Maître doit faire venir les chanteuses pour égayer leur après-midi.
Je cherche, tout en échangeant des compliments par l’intermédiaire de notre interprète, à noter les détails de leurs costumes. Mais comment décrire ce savant fouillis de gazes claires jetées sur les lourds brocarts, le joli mouvement donné aux draperies par les épais sautoirs de soie à gros passants d’or qui sont glissés sous les aisselles et relèvent les lourdes manches, le bouffant des beaux tissus formant des plis à la Véronèse au-dessus des larges ceintures rigides, et surtout la complication extraordinaire des coiffures ? Les cheveux noirs, crépelés, rasés sur les fronts bombés, ne font qu’une ligne noire sous le diadème d’or ou la bande de gaze qu’un bijou retient au-dessus des sourcils arqués ; puis vient le lourd échafaudage de nattes noires, mêlées de laine noire, et dessinant derrière la tête la courbe d’une double anse, dont le haut est voilé par un enroulement de gazes légères sur un fichu de soie à couleurs éclatantes. De chaque côté du visage, d’autres nattes retombent sur