l’autre sur la ville blanche et la plaine rouge. Au bout de cette galerie se trouve un grand lit de parade surélevé sur une estrade. Les deux pièces sont pavées de carreaux de faïence sur lesquels sont jetés des tapis marocains modernes aux tons trop violents. Le long des murs sont rangés des divans-matelas, recouverts d’une espèce de toile bise à larges rayures, sur lesquels sont amoncelés des coussins sans nombre, la plupart voilés de housses en mousseline blanche à semis : à vrai dire, c’est le tissu dont sont faits les plus humbles rideaux de vitrage en Europe. Quelques fauteuils dorés, d’un vague Louis-Philippe, italien ou espagnol, et recouverts de lampas clair, sont groupés sur les tapis. Mais le principal ornement des deux pièces est formé par la longue série de pendules alignées contre les murs. Les pendules ont été, de tout temps, l’ornement préféré des palais musulmans ; partout elles témoignent du luxe et du raffinement du maître de la maison. Mais ce qui distingue celles qui entourent les deux pièces où nous nous trouvons, c’est leur taille gigantesque, disproportionnée. Il y en a de la forme allongée et monumentale des grandes pendules anglaises ou hollandaises, faites pour être posées par terre dans les halls ou sur les paliers d’escaliers ; mais entre celles-ci s’en trouvent d’autres, qui ont, elles, la forme massive des pendules Louis XIII à fronton, qui se placent ordinairement sur un meuble ou une cheminée, et ces dernières, également, sont démesurément grandes, et, placées par terre, font l’effet d’une rangée d’armoires. En dehors des horloges, nul bibelot, sauf un seul bronze banal, dans l’une ou l’autre des deux pièces.
Mais voici qu’une des jeunes femmes nous fait signe de nous approcher des fenêtres de l’étroite loggia qui règne autour du mirador, et d’où l’on domine la cour d’honneur et les approches du palais. Ces fenêtres sont en vitraux de couleurs, de tons crus et heurtés comme les tapis étalés sous nos pieds. On nous fait signe de les ouvrir, mais prudemment, sans trop nous laisser voir ; puis le petit groupe se retire en riant au milieu de la pièce, afin de ne pas être vu par-dessus les épaules des femmes roumis qui, étourdiment, se penchent dehors.
Au-delà des murs de la cour, du côté des grandes tentes rituelles, un nuage de poussière rouge s’élève. A travers son voile, nous devinons le déploiement de la dernière tribu, galopant sous son étendard vers les portes de la ville, la cérémonie