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qu’aux troupes, elles aussi fatiguées par la bataille, quelques-unes très démoralisées par la défaite, arrivait un renfort moins important encore par sa force matérielle intacte que par la confiance qu’un succès récent exaltait en lui : le VIIe corps accourant de Maubeuge.

La place avait capitulé, le 6 et dans de telles conditions que les troupes qui l’investissaient n’avaient pour ainsi dire pas connu de dommages. En outre, ce succès, — assurément important, — avait été grossi de telle façon aux yeux des « assaillants », qu’il devait, grâce à une consigne qui partout fut observée, compenser, — provisoirement, — aux yeux de toute l’armée allemande, la perte de la bataille de la Marne. Comparons aux tristes carnets de marche des battus de la Marne, où parfois passe un souffle de panique, celui d’un des « vainqueurs du Maubeuge » arrivant le 13 dans la région de Laon-Soissons, à la rescousse des frères vaincus. « Maubeuge est à nous », s’est-il écrié le 6 ; et tout de suite il a, dans l’ivresse du triomphe, accepté, le 7, et la nouvelle que l’armée française était battue, « coupée de la route de Paris » et celle que « Verdun était tombé. » Le 10, il marche avec tout son corps vers l’Aisne : s’il apprend avec scandale que des cavaliers anglais ont débouché dans la région, c’est avec une superbe confiance qu’il ajoute : « Il serait temps que nous remettions la main la pâte ! » et, avec plus d’assurance même : « Ce sera la victoire ! » Le 12, il marche sur Soissons, persuadé qu’on va bousculer Anglais et Français et reprendre la route de Paris avant qu’il soit peu, et c’est en effet le 13 que le VIIe corps, frais, alerte, plein d’une confiance et d’un orgueil inentamés, vient prendre sa place entre le IIIe corps et le VIIe de réserve, au Nord de la région de Vailly. La présence d’un corps nouveau, arrivant dans de si favorables dispositions, suffirait à expliquer le relèvement soudain du courage allemand. Que sera-ce quand le 14, la VIIe armée du général de Heeringen sera venue grossir la masse déjà importante des Ie et IIe armées ainsi renforcées ?

Puisque le 13, ils ont pu tenir, les Allemands se seront ressaisis le 14 et c’est plus à l’arrivée de ces renforts qu’aux fameuses « positions organisées » qu’est due la résistance qui va donner à nos ennemis le temps d’en organiser de très réelles sous nos canons, bientôt presque impuissants.