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Lœwenguth, né à Thann[1], qui, lui aussi, a voulu aider les soldats de France dans leur tâche.

Ajoutons à ces rigueurs les innombrables réquisitions, les brutalités des troupes, les violences de l’administration, l’espionnage perpétuel et la délation, qui font que le paysan alsacien ne sait jamais au début de sa journée s’il couchera le soir dans son lit ou en prison. Un cultivateur de Sainte-Croix-en-Plaine avait, il y a quelques mois, soustrait trois sacs de froment à la réquisition générale. Il fut dénoncé. Le Conseil de guerre lui infligea une amende de 3 000 marks, — 3 750 francs, — sans parler de l’emprisonnement.

Ajoutons encore toutes les tortures morales subies ; la douleur terrible des vieux restés au village qui savent que leurs fils tombent sous les balles françaises pour défendre leurs maîtres, qui en sont réduits à applaudir quand des bombes ou des obus français éclatent près d’eux et de leurs maisons ; ajoutons la perte du bétail, les inondations de l’Ill et de la Largue, les pluies diluviennes de l’hiver, la hausse considérable des fourrages artificiels, de la laine, du cuir, du pétrole, de la bougie, du savon, qui quadruplèrent dès 1915, et nous comprendrons que cette accumulation de souffrances matérielles et morales fasse des paysans alsaciens-lorrains les plus tristes victimes des « misères de la guerre. »


Je voudrais maintenant exposer avec quelque détail deux « affaires » qui jettent un jour éclatant sur l’attitude des Allemands en Alsace-Lorraine et montrent combien ils ont le sentiment de s’y trouver en pays ennemi, les affaires de Bourtzwiller et de, Dalheim.

Bourtzwiller est un petit village voisin de Mulhouse. Les Français y étaient entrés le 8 août 1914 ; les Allemands l’occupèrent à nouveau le 19, vers neuf heures du soir. Le 10 au matin, entre deux et trois heures, deux demi-sections des 110e et 111e régiments d’infanterie allemands pénétrèrent dans une ferme à quelque temps l’une de l’autre, et, trompées par l’obscurité, se fusillèrent. Quatre soldats furent blessés. Les hommes prétendirent qu’on avait tiré sur eux des fenêtres.

  1. Mülhauser Tagblatt, 28 août 1916.