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l’assiégeant oriental au point de se retourner avec toutes ses forces contre l’assiégeant constamment agressif qui, — à l’Ouest, — minait son prestige par des victoires partielles et l’affamait rigoureusement. Dès que l’État-major allemand eut sa liberté à l’Est, son plan initial reprit corps : en finir avec un des adversaires pour battre le second. De la défensive il allait passer, sur le front occidental, à l’offensive. En dépit des sacrifices imposés par trois ans de guerre, l’Allemagne, toutes forces réunies, possédait la supériorité du matériel et celle du nombre.

Le commandement français a eu le mérite de voir à temps et sous son vrai jour ce renversement des rôles. Aux premiers prodromes de la défection russe, il avait fait le bilan des forces dont il disposait et de celles de son adversaire. La question des effectifs lui apparut préoccupante au plus haut degré. Ajoutez que l’armée française, en partie du moins, venait de traverser une période de dépression morale ; si brève eût-elle été, il fallait reprendre en main certaines troupes, les réconforter, leur donner des soins et du repos. Nous possédions 108 divisions d’infanterie. Nos ressources de recomplétement pour l’année suivante montraient que nous pouvions difficilement nous permettre le luxe d’une bataille de large envergure et de longue durée. En fait, les effectifs ont été maintenus par la suppression d’unités et par la réduction des pertes au minimum. Malgré ce resserrement, on arrivait, au 1er janvier 1918, à un déficit de 50 000 hommes.

L’armée britannique, elle se trouvait, en mai 1917, dans une situation satisfaisante, malgré ses pertes d’avril ; elle s’arrêtait sur une impression de victoire. Malheureusement, désireux d’accroître leurs avantages avant que les affaires russes se fussent complètement gâtées, nos alliés entamèrent la poussée des Flandres. Il était à prévoir que leurs disponibilités seraient absorbées par cette lutte. En effet, ils étaient obligés, après cette glorieuse campagne, de réduire leur armée d’environ un cinquième par suppression de trois bataillons dans chaque division métropolitaine.

L’armée allemande, forte de 234 divisions, dont 155 sur le front français, entretenait sur ce seul front un matériel d’artillerie équivalent en quantité à celui des Alliés et supérieur en qualité à cause de son homogénéité et du grand nombre de pièces lourdes à tir rapide. Même en supposant à nos ennemis