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15 fois et demie supérieure à celle des pièces d’argent. Cette législation a rayonné sur le monde pendant deux tiers de siècle. La puissance économique de la France, ses amples ressources métalliques assuraient au système adopté par elle une grande influence sur celui des autres nations. Ce fut le régime connu sous le nom de bimétallisme, parce qu’il comportait deux métaux a force libératoire, dont la frappe illimitée était permise aux particuliers comme à l’Etat : il fut, en fait ou en droit, celui de la plupart des pays civilisés de l’époque, à l’exception de la Grande-Bretagne qui, dès le lendemain des guerres du Premier Empire, avait institué chez elle le monométallisme or. Lorsque au contraire la Russie, en 1839, reprit les paiements en espèces, elles créa un rouble métallique qui était représenté indifféremment par l’or ou l’argent, dans la proportion de 1 à 16.

Jusque vers 1850, la question de la valeur relative des deux métaux ne joue pas un rôle important dans les préoccupations des économistes ni des hommes d’Etat. A partir de 1850, l’influence des découvertes californiennes, puis australiennes se fait sentir ; la production aurifère augmente brusquement ; l’argent marque une tendance à la hausse. Dès 1850, il s’élève à 61 et demi ; en 1851 le cours moyen de l’année se maintient à 61 ; à partir de l’année suivante et jusqu’en 1862, il est constamment au-dessus de 61 ; en 1859 il atteint 62 ; ce fut le point culminant de la courbe, marquant l’époque où le développement rapide des mines d’or inquiéta certains économistes au point que Michel Chevalier songea à proposer la démonétisation du métal jaune. Pendant les années suivantes, un léger fléchissement se fit sentir : mais, en 1872, le cours moyen dépassait encore 60. A partir de 1873, la physionomie change complètement. L’Allemagne accomplit alors sa réforme monétaire et adopte l’étalon d’or : elle interdit la libre frappe de l’argent et, tout en conservant provisoirement leur force libératoire aux anciennes pièces d’un thaler, elle réalisa, sous forme de lingots, sur le marché de Londres, la partie de ces thalers qui lui paraissait dépasser les besoins de sa circulation. Sous l’influence de cette législation et des ventes qui en furent la conséquence, le marché du métal fléchit considérablement : le cours tombe à 56 en 1875, à 52 en 1876.

L’exemple de l’Allemagne entraine des imitateurs. La Suède, la Norvège et le Danemark forment une union monétaire fondée