Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur l’étalon d’or. L’Egypte, puis la Tunisie l’adoptent. La Hollande supprime la libre frappe de l’argent. L’Union latine à son tour est obligée d’entrer dans la même voie ; les lingots de métal blanc affluaient chez elle pour se transformer en pièces libératoires dont la valeur nominale dépassait de plus en plus la valeur métallique. Nous commençâmes par fermer nos Hôtels des Monnaies à la libre frappe des écus par les particuliers. Bientôt les gouvernements se l’interdirent à eux-mêmes et ne se réservèrent que le droit de fabriquer des monnaies divisionnaires. Un moment arriva où les associés de l’Union latine prirent des engagements réciproques pour déterminer les contingents de ces monnaies divisionnaires en raison de la population. Il semblait que de toutes parts on s’acheminât vers l’étalon d’or ; l’argent passait au second plan, en dépit de la place qu’il tenait encore aux Indes, en Indo-Chine, en Chine, au Japon, au Mexique et dans divers pays qui gravitaient plus ou moins dans l’orbite des vastes empires d’Extrême-Orient.

Un facteur puissant essaya à ce moment de se jeter en travers du courant qui entraînait le métal blanc vers les niveaux inférieurs. Les Etats-Unis instaurèrent en 1878 une législation monétaire nouvelle, dans le dessein avéré de rendre au métal blanc son antique valeur : la loi Bland ordonna, en 1878, l’achat mensuel et la frappe, par le Trésor fédéral, de 2 millions de dollars d’argent. Douze ans plus tard, en 1890, le Parlement de Washington, considérant qu’il n’avait pas obtenu le résultat, espéré, vota la loi Sherinan, qui fit plus que doubler le chiffre des achats : elle encombra les caves du Trésor fédéral de métal blanc, qui, cette fois, n’était plus monnayé, mais gageait, sous forme de lingots, une émission de billets d’Etat, dits Treasury notes, billots du Trésor de 1890. Sous l’influence de cette introduction de quantités croissantes d’argent dans la circulation américaine, des inquiétudes commencèrent à se répandre dans le public, à l’intérieur et au dehors, au sujet de la valeur intrinsèque de l’unité monétaire, le dollar. Jusque-là, il n’avait pas cessé d’être considéré comme une monnaie d’or ; tous les billets des États-Unis étaient remboursables en métal jaune. On se demanda s’il ne viendrait pas un moment où l’argent le remplacerait comme étalon. Cette crainte détermina la crise de 1893, une des plus violentes qu’aient connues les marchés d’outre-Atlantique.