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partie intégrante de la vie des uns, était condamné par les autres, comme incompatible avec la dignité humaine.

Or, si les États du Sud étaient décidés à se séparer, c’était simplement afin de pouvoir continuer à vivre selon leurs coutumes. Mais les États du Nord, avec le président Lincoln, posaient, d’une part, le principe de l’Union comme « antérieur à la Constitution et aux États mêmes, » d’autre part, professaient que, plutôt que de maintenir une institution telle que l’esclavage, il valait mieux, s’il était nécessaire, sortir de la légalité constitutionnelle. L’opposition des deux points de vue était absolue : la guerre de Sécession s’ensuivit.

Le Nord vainquit, le principe d’unité triompha. Or, l’unité de 1865 n’était plus une simple unité abstraite et inerte, rapprochant les parties sans les pénétrer : c’était une unité concrète, exprimant certains principes positifs, moraux et sociaux, qui devaient régir également la conduite de tous les membres de l’Union. C’était, d’abord, selon l’immortelle formule du président Lincoln, l’obligation de maintenir, à tout jamais, dans son intégrité, une nation qui devait représenter dans le monde cette chose, grande entre toutes : « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. » Puis, c’était, selon l’article XIV ajouté en 1868 à la Constitution, la vie, la liberté, la propriété, et l’égale protection des lois, garanties à tous les citoyens, c’est-à-dire l’abolition, dans tous les États indistinctement, de toute institution contraire à la dignité humaine.

La rapidité, la force, la solidité, avec lesquelles se reconstitua, dès le lendemain de la guerre, l’unité américaine, ont fait l’admiration du monde. Il est vrai que la lutte avait été humaine, et que ni l’un ni l’autre des deux combattants ne s’était comporté de manière à rendre la réconciliation impossible. Mais il y avait, en outre, à ce resserrement de l’unité, des causes profondes.

Dans l’immense République, les États n’étaient plus extérieurs et impénétrables les uns aux autres, comme le sont les grandeurs matérielles et spatiales : une vie commune et des idées plus largement humaines s’y étaient développées.

L’élan vers le nouveau, vers le risque et l’aventure, qui caractérisait la plupart des immigrants, les rendait très prompts à épouser les inventions et les idées nouvelles. Ce