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pays, essentiellement agricole, mais qui possédait d’immenses richesses minérales, devint vile puissamment industriel. L’industrie fut appliquée à l’agriculture, et la transforma : elle établit, entre les divers États, des, solidarités nouvelles. Il se créa des intérêts, des genres de vie, des manières de penser, non plus particuliers à tel ou tel Liai, mais précisément américains.

Certaines influences, qui longtemps s’étaient peu propagées, auxquelles les populations enserrées entre les monts Alléghanys et la mer, notamment, avaient laissé peu d’accès, agirent bientôt sur des esprits plus ouverts, communiquant davantage centre eux.

C’est ainsi que l’idée démocratique proprement dite, l’association étroite de la liberté et de l’égalité, plus répandue dans l’Ouest et dans le Sud, s’étendit à toutes les régions de l’Union.

Il en est de même de certains germes que les Français, jadis, avaient jetés dans l’air, et qu’ils n’avaient pu cultiver. Les Français, dès le XVIIe siècle, avaient rêvé de faire, de la vallée du Mississipi, le cœur d’un grand et unique empire. Plus tard, quand Bonaparte avait cédé la Louisiane aux États-Unis, il avait eu la pensée de contribuer ainsi à la transformation de la Confédération eu un puissant État, un et homogène, contribuant, comme les grands États d’Europe, à l’équilibre du monde. Ces idées françaises devinrent des idées américaines.

Ce n’est pas seulement dans l’ordre politique que les relations plus étroites des citoyens entre eux généralisèrent des tendances fécondes. Ces Français qui étaient venus en Amérique aux XVIe et XVIIe siècles n’entendaient pas seulement jeter les bases d’un empire. Ils vouaient, selon les expressions d’un historien du XVIIe siècle, « dilater les bornes de la pitié, de la justice, de la civilité, en un mot de la lumière françaises. » Ils apportaient une notion de la société humaine tout autre que la conception purement politique ou économique : cette notion classique, d’après laquelle toute union est sans beauté et sans force véritables, qui ne se fonde pas sur un principe interne, sur une communauté de penchants et d’idées, sur l’attachement commun à des fins élevées, sur l’estime mutuelle, sur l’amitié. L’influence morale des petits groupes