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de ces petits astres des salons, moins hautains, mais plus sûrs.

On devine, dès lors, avec quelle pieuse ostentation les femmes les suspendaient à leur personne, — non point perdus dans le fouillis d’une chevelure on d’une dentelle, mais détachés et exposés, un à un, comme sur un écrin vivant. Avec quel respect attentif les peintres devaient les détailler et, s’ils avaient à représenter des perles, par exemple, leur faire un sort à chacune ! Ici, chacune est décrite comme si elle était tout un monde, non seulement avec son « orient, » mais avec son occident ou ses pôles, avec son anneau de lumière sous-jacente, entre sa région d’ombre interne et son ombre portée sur la chair. Une particularité fort étrange, est que ces perles sont transparentes, soit qu’elles le fussent, en effet, c’est-à-dire qu’elles ne fussent que des jocalia de cristallo, soit bien plutôt que le peintre n’ait pas travaillé d’après les perles mêmes de la Princesse, mais pour avoir mieux le temps de les étudier, ait fait poser des imitations de verre. L’excès de conscience aura produit l’erreur.

Cette conscience se voit partout. Le diamant est taillé avec le respect qu’on doit à une pierre « qui donne force et courage, écarte les incubes et les succubes et protège du venin. » Le rubis « qui épure les esprits, chasse les mauvaises pensées et rend les hommes aimables » et encore les perles « qui apaisent les craintes et les frayeurs et les angoisses causées par l’atrabile » parant la jeunesse, qui donnerait à ces joyaux toutes ces vertus quand ils ne les auraient pas, sont sertis ou égrenés et allumés et entretenus avec le soin et la piété qu’on a dans un couvent pour les lampes sacrées. Nous avons perdu, à cet égard le sens du mystère, tout ce que l’imagination de nos pères mettait d’espoir, de crainte, d’interrogation dans ces petites sphères précieuses, brillantes, et capables de maladie et de mort, au front des femmes. Nous avons perdu surtout les joies de la surprise. Il n’est pas sûr que l’artiste crût à toutes les vertus magiques des joyaux qu’il s’appliquait à figurer, mais certainement il n’était pas encore blasé sur leur beauté. Il sentait encore, dans toute sa primeur, l’émerveillement de les voir, la fierté de les reproduire et de les révéler à qui ne les avait point vus. Il mettait ainsi, dans la copie méticuleuse, naïve et passionnée qu’il en faisait, cette saveur du conteur qui raconte une histoire pour la première fois.