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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/308

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il a fallu que j’aille dans un char avec la duchesse et Dioda, et comme nous roulions ; nous chantâmes plus de vingt-cinq chansons arrangées pour trois voix. C’est-à-dire que Dioda faisait la partie du ténor et la duchesse du soprano, tandis que je chantais quelquefois la basse et quelquefois le soprano, et je jouais tant de tours que je pense en vérité avoir été plus fou que Dioda ! Et maintenant adieu pour ce soir : je vais essayer.de faire mieux encore, afin d’apporter à votre Altesse le plus de divertissements possible lorsque vous viendrez ici en été.

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Une fois arrivés à Cussago, nous fîmes une grande expédition à la rivière et nous prîmes une immense quantité de grands brochets, de truites, de lamproies, d’écrevisses et plusieurs autres bonnes sortes de poissons de plus petite taille et nous nous mimes à en manger jusqu’à plus faim. Alors, pour digérer notre dîner, nous avons tout de suite commencé de jouer à la balle avec une grande ardeur et, après avoir joué quelque temps ; nous montâmes au palais, qui est réellement très beau et entre autres choses contient une porte en marbre sculpté aussi belle que les nouveaux travaux de la Chartreuse. Ensuite, nous examinâmes le résultat de notre pêche, qui avait été exposé au haut de la place et nous emportâmes autant de lamproies et d’écrevisses que nous pouvions en manger, et nous envoyâmes quelques lamproies à son Altesse le duc. Quand ce fut fait, nous allâmes à un autre palais et nous prîmes plus de mille grosses truites, et après avoir choisi les plus belles pour en faire des cadeaux et pour nos illustres bouches, nous fîmes rejeter le reste à l’eau.

Alors, nous remontâmes sur nos chevaux et nous commençâmes à faire voler le long de la rivière quelques-uns de mes beaux faucons que vous avez vus à Pavie et ils tuèrent plusieurs oiseaux. À ce moment, il était déjà quatre heures. Nous chevauchâmes pour chasser des cerfs et des faons, et après avoir donné la chasse à vingt-deux et tué deux cerfs et deux faons, nous retournâmes à la maison et atteignîmes Milan à une heure après le coucher du soleil, et nous présentâmes le résultat de notre expédition à Mgr le duc de Bari. Mon illustre seigneur prit le plus grand plaisir à ouïr tout ce que nous avions fait, bien plus en vérité que s’il y avait été en personne et je crois que ma duchesse finira par tirer de tout ceci le plus grand profit, car le seigneur Lodovico lui fera présent de Cussago, qui est un endroit d’une beauté rare et de rare valeur. Mais j’ai mis mes bottes en morceaux, déchiré tous mes vêtements et fait le fou par-dessus le marché, et ce sont, là, les récompenses qu’on gagne au service de dames. Cependant, je prendrai patience, puisque c’est pour