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bureaucratiques. En quoi elle se montre une détestable révolutionnaire.

Mais ne jetons point trop la pierre à l’Administration, et souvenons-nous que le 17 décembre 1889, à la tribune de l’Académie de médecine, et contre l’avis fortement motivé de médecins qui, malheureusement, occupaient un rang au-dessous du sien sur les petits gradins de la fourmilière humaine, Brouardel déclarait : « Je ne crois pas que la grippe soit contagieuse ; je vais plus loin : non seulement elle n’est pas contagieuse, mais je prétends qu’elle n’est pas primitivement infectieuse. » — Puisons là une leçon de modestie et n’oublions pas qu’après tout, il n’y a pas encore trois siècles, — ce qui est peu dans la lente histoire du progrès humain, — que Molière est mort.

Il est aujourd’hui établi sans conteste que la contagion de la grippe se fait par les voies respiratoires, par la bouche et le nez, et que c’est par cette porte d’entrée, uniquement par elle que le germe grippal, — que nous caractériserons tout à l’heure, — pénètre dans les organismes sains. L’agent de la contagion, le porteur de germes, le contage comme disent les médecins qui ne sont jamais à court de découvertes verbales, est constitué par les expectorations des malades, et plus précisément et généralement par les gouttelettes plus ou moins minuscules et impalpables de salive qu’ils expulsent dans l’air ambiant en toussant, en crachant, ou tout simplement en parlant et en respirant. Il est évident d’ailleurs que si on boit dans le même verre qu’un grippé, si on l’embrasse, ou simplement si on porte à la bouche la main, après avoir touché un objet quelconque souillé par les gouttelettes salivaires d’un grippé, on pourra être pareillement contaminé. On pourra l’être de même, sans doute, par les poussières provenant des crachats desséchés des grippés et que le balayage ou le vent fait voltiger. Mais d’une manière générale, — et surtout parce que le séjour à l’air libre du germe grippal doit rapidement atténuer sa virulence, comme il arrive pour tous les germes pathogènes, — c’est par la respiration directe de l’air contaminé par les minuscules expectorations des grippés que les personnes saines s’infecteront. À cet égard on a fait diverses constatations fort démonstratives ; notamment le professeur Vincent et le docteur Lochon ont décrit récemment à l’Académie de médecine l’expérience qu’ils ont faite : plaçant à quelques décimètres devant la bouche d’un malade, qui parle d’une voix moyenne, une plaque de gélose propre à recueillir les microbes, ils y ont constaté au bout de deux minutes la présence