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programme ne varietur. Six grandes associations économiques, la Ligue des agriculteurs, la Ligue des paysans allemands, le Groupe directeur des Associations chrétiennes de paysans allemands, actuellement Groupe westphalien, l’Union centrale d’industriels allemands, la Ligue des industriels, l’Union des classes moyennes de l’Empire, adressent au Chancelier un mémoire « confidentiel, » mais répandu à des milliers d’exemplaires. Ils réclament l’asservissement militaire et économique de la Belgique, l’annexion des côtes françaises de la Belgique à la Somme, des charbonnages du Nord, et du Pas-de-Calais, du bassin de Briey, de Verdun, de Belfort, des contreforts des Vosges entre ces deux forteresses, la réunion a l’Empire d’une partie des provinces baltiques et de vastes territoires polonais, etc… Des professeurs, des théologiens, d’anciens fonctionnaires accourent à la rescousse et signent eux aussi une pétition où ils formulent les mêmes exigences. Ces documents ne sont point publiés, mais les journaux y font de nombreuses allusions. Ils agissent sur l’opinion et surexcitent l’esprit de conquête. Quant aux trop fervents amis de la paix, on les remet dans le droit chemin. On tolère qu’ils forment des ligues inoffensives, mais on ne les laisse ni parler ni écrire, si ce n’est dans la mesure où leurs propos peuvent servir à duper le neutre et à démoraliser l’ennemi. On supprime la revue Le Forum ; on poursuit l’association de la « Nouvelle Patrie, » dont les tendances sont vaguement pacifistes.

C’est l’heure où les pangermanistes, sûrs de la complicité de l’opinion, donnent librement carrière à toutes leurs ambitions et à toutes leurs extravagances. Ils annexent le monde entier. « Il faut, écrit Bassermann, un des chefs du parti national libéral, que tous ceux qui nous gouvernent sachent bien que cette effroyable guerre veut pour récompense autre chose que des déceptions et des augmentations d’impôts. Les fruits peuvent mûrir lentement, plus lentement que nous ne pensions, mais ils mûriront, la force et le soleil du germanisme y pourvoiront. C’est le devoir de tous les patriotes de s’opposer à de veules nostalgies de paix, dès que se tendra vers nous la main de l’adversaire épuisé. Des sacrifices sanglants ont été faits ; on en fera d’autres, encore ; il faut qu’ils servent à fonder l’extension territoriale de notre patrie et nous donnent à l’Est et à l’Ouest des frontières telles qu’elles nous assurent