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des chances pour l’Académie ! Vous avez eu tort de reculer l’élection. Augier aura eu le temps d’être oublié ou on aura le temps de s’apercevoir de tous ses défauts. »

C’est le même qui disait :

« Je tiens à faire l’éloge d’Augier. Si je ne succède pas à Augier, j’attendrai, Je succéderai à Dumas et… je ferai l’éloge d’Augier ! »


16 juillet 1891.

A deux heures, hier au Père-Lachaise, Vacquerie attendait, sous des cyprès, à l’entrée du cimetière. Il y avait là Grousset, Ranc, Carjat, Jaclard, Al. Humhort, Chincholle, Jourde, etc.

J’avais longé, pour venir, l’avenue de la République, inaugurée le 13. Immense voie qui va de la place du Château-d’Eau aux fortifications, à Romainville. Sur les colonnes d’un arc de triomphe portant :


A Monsieur Carnot,
Le XIe arrondissement,


on a écrit :


Vive l’Anarchie !
A bas la Patrie !


Le cortège monte par une allée ombreuse, superbe, jusqu’à la tombe de Victor Noir. Vacquerie m’a fait signe de venir à ses côtés. Je retrouve dans l’admirable figure sculptée par Dalou, — un homme tué, ganté, son chapeau tombé à côté de lui, — le bon gros Victor Noir dont j’ai vu le cadavre.

Cérémonie qui pouvait être sans incident. J’étais adossé à un tombeau devant une couronne de roses rouges. Des maçons, travaillant à un monument haut comme une église, regardaient d’en haut, prenant pour balcon leurs échafaudages. Grousset, ému, rappelle, les luttes de la Marseillaise ; Fonvielle lit un discours d’une voix solennisée, Carjat récite des vers avec de vagues intonations à la Frédérick Lemaitre. Un bourgeois, solide, noiraud, carré des épaules, armé d’une lourde canne d’ébène, prend la parole au nom de la Revanche de Bastia et, avec un accent corse, dit que si les fusillades de la Ricamarie et les coups de revolver de Pierre Bonaparte ont creusé la fosse du second Empire, les fusillades de Fourmies pourraient bien avoir creusé la fosse de la troisième République.

Alors, des cris :