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Salle du Tau ne peuvent être réparées que par des compensations matérielles de même nature, dont les éléments sont intacts en Allemagne et servent de base aux docteurs d’outre-Rhin pour parler de l’art allemand du XIIIe siècle ; quoiqu’ils n’ignorent point que ce furent des Français qui sont venus chez eux exécuter toutes leurs cathédrales ogivales, presque toute la statuaire artistique et tous les vitraux de quelque valeur.

En ce qui concerne, plus particulièrement, Notre-Dame de Reims, c’est à Bamberg qu’on trouvera des œuvres du Gaucher de Reims pour remplacer nos statues détruites. Le Dom franconien n’en souffrirait pas, dans son ensemble architectural, puisque toutes les œuvres de notre grand artiste ont été adaptées à une construction romane, dont l’exécution remonte au règne de l’empereur Heinrichs II. Il la fonda, dès 1004, dans ce style particulier de la plupart des cathédrales véritablement allemandes, ce mélange d’art militaire et d’art religieux, donnant plus l’idée d’une forteresse que d’un lieu de prière et d’asile, selon la tradition française. Le Dom de Bamberg est une étroite église, flanquée de quatre tours, encadrant les deux chœurs symétriques de faible saillie qui s’opposent aux deux extrémités de la grande nef. C’est vers 1250, après l’achèvement de son œuvre de Reims, que Gaucher vint à Bamberg avec ses « Compagnons » entreprendre la décoration des transepts, du jubé et des piliers de la cathédrale. L’identité d’exécution technique, l’accent du style des figures, la science des draperies qui n’appartiennent qu’à lui et l’apparentent à Phidias dans ses figures des Charités du Parthénon, tout concourt à l’attribution au seul maître Gaucher de toute ta statuaire de ce dôme[1]. Il est matériellement impossible qu’un autre sculpteur ait eu, dans le même temps, le même style et les mêmes mains, et, d’ailleurs, les Allemands ne dénient pas cette identité ; mais en faveur de l’art germanique. Il suffit d’opposer les dates pour trancher, à fond, la question. Toute la statuaire de Reims était achevée, dès 1249. Or, la littérature artistique allemande, ainsi que les documents d’archives, précise que c’est

  1. Comme dans toute œuvre d’un « atelier » il y a des inégalités sensibles dans cet ensemble ; de même qu’à Reims, dans les trois porches, on sait avec évidence l’introduction de plusieurs « Compagnons, » artistes secondaires travaillant pour un seul maître d’œuvre qui donnait des ébauches ou de simples croquis d’ensemble, destinés à assurer l’unité générale : la maladie moderne du graphisme personnel et de l’individualité dominante n’existaient pas.