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enfouis au fond des mers. Le jeu en valait la chandelle puisqu’on estime que, rien que près des côtes d’Angleterre, et dès le temps de paix, la valeur des navires perdus chaque année représentait un capital moyen voisin de 250 millions de francs.

La guerre sous-marine telle que l’ont conduite les Allemands a naturellement donné une acuité nouvelle à ce problème, d’autant que les méthodes tirpitziennes se sont montrées dans ce domaine encore beaucoup plus efficacement néfastes que ne l’avaient été auparavant tous les risques de mer conjurés.

Voici des chiffres qui l’établissent clairement : on peut évaluer à environ 15 millions de tonnes ce qui a été coulé tant par la mine et la torpille que par le canon depuis août 1914. La valeur moyenne des chargements par tonne de navire étant de près de 3 000 francs actuellement, cela représente environ 45 milliards de francs, Il convient d’ailleurs de remarquer que plus de la moitié de ces sinistres datent de l’année 1917 pendant laquelle près de 7 millions de tonnes furent détruites, représentant une perte journalière voisine de 60 millions de francs. Autrement dit, les pertes journalières dues à la guerre sous-marine auraient été à cette époque pas loin de 100 fois plus importantes qu’elles n’étaient avant la guerre dans les mêmes parages. Les méthodes allemandes se sont donc montrées, comme nous le disions ci-dessus, incomparablement plus néfastes aux navigateurs que les risques des mers habituels.

On comprend dans ces conditions que les préoccupations qui, dès avant la guerre, avaient donné naissance à des entreprises destinées à récupérer les navires enfouis aient redoublé et aient rapidement donné naissance à des organisations puissamment outillées en vue de ce travail.

C’est des méthodes curieuses que la technique moderne a mises entre les mains de ces entreprises que je voudrais entretenir brièvement mes lecteurs aujourd’hui.

Diverses circonstances ont aiguillonné particulièrement les efforts accomplis dans ce sens, et surtout le fait que c’est aujourd’hui le sauvetage des navires, — engins peu détériorés par la mer, — et non plus celui des cargaisons, généralement périssables, qui est devenu la chose importante. Par suite en effet de la guerre, le tonnage mondial est devenu tout à fait insuffisant : d’une part parce que le ravitaillement en denrées, soldats et munitions des nations combattantes a nécessité l’affrètement d’une quantité accrue de navires, tandis que, d’autre part et dans le même temps, la piraterie allemande réduisait précisément