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français avait accompli peut-être le plus extraordinaire de ses grands exploits. Dans les épopées que la guerre inspirera aux poètes populaires, la geste de Verdun restera sans doute la plus fabuleusement belle. Mais voici que je viens de voir se cueillir le fruit du gigantesque effort. Le vaincu de Verdun, le prince Frédéric-Guillaume de Prusse étant jeté bas, le vainqueur de Verdun a son quartier général dans Metz recouvré. J’ai vu entrer dans les villes d’Alsace et de Lorraine ces soldats dont beaucoup ont connu ces champs de Verdun, ces chefs qui presque tous y ont conquis leurs étoiles. Avec eux j’ai voulu, — et sans cesse, d’ailleurs, on les a évoqués, — que du cortège des morts, le cortège des vivants fût grossi, alors que de toutes parts s’élevait le cri de : Vivent les libérateurs !

Morts de Verdun, levez-vous ! C’est vous qui, lointainement, nous avez gagné Metz et Strasbourg. Mes camarades, tombés sur cette terre qui, à tous, nous paraissait, dans les premières années de guerre, le tremplin d’où nous nous élancerions vers Metz si proche, soyez contents : votre effort n’a pas été vain ; notre drapeau tricolore flotte non seulement sur Metz, mais, bien au delà, sur le Rhin reconquis. Les ruines sous lesquelles vous dormez votre dernier sommeil n’ont point été stériles : elles ont été si fécondes que d’elles s’est dégagée la force qui bouleverse tout un monde. Les fêtes éclatantes dont retentissent et vibrent encore deux provinces françaises rédimées me font estimer plus magnifique la solitude où, la paix rétablie, nous irons vous porter des couronnes. Les villes d’Alsace et de Lorraine, rendues à la Mère Patrie, viendront en pèlerinage, dans les ruines relevées, Fleurir vos tombes et glorifier votre mémoire. Oui, car c’est vous qui aurez été leurs premiers, leurs plus précieux, leurs plus admirables libérateurs.


LOUIS MADELIN.