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tactique qui leur avait été prescrite à la fin de décembre 1917.

Ils n’y vinrent pas tous sans tâtonnements et sans à-coups : aux premières semaines, comme il était inévitable, puisque pendant trois ans la défense s’était toujours portée sur la première ligne, les habitudes de la guerre de siège avaient persisté. En maintes rencontres, nos troupes avaient instinctivement cherché à reformer devant l’ennemi la tranchée continue, à lui opposer à nouveau la muraille linéaire, muraille de feux d’artillerie, muraille de poitrines. Mais comme elles n’y parvenaient pas, vu notre infériorité numérique, peu à peu le principe nouveau prit son ascendant, celui qui voulait que notre bataille défensive fût soutenue « sur des zones profondes. »

Tout un art se développa de dissimuler à l’adversaire cette tactique. A son insu, nous ne laissons dans notre première ligne que de rares pièces d’artillerie, mais qui se déplacent sans cesse et sans cesse le harcèlent ; nous n’y laissons que de faibles avant-postes d’infanterie, mais qui, à force de mobilité et d’activité, mouvements de patrouilles, alertes, coups de main, lui font faussement croire que la position est tenue en force et que nous sommes résolus à la conserver. Cependant, c’est à des kilomètres en arrière, sur la position de résistance, considérée désormais comme « l’élément essentiel du champ de bataille », que nous l’attendons et que nous le recevrons.

Un exemple, celui de la 36e division d’infanterie aux mois de mai et de juin, peut servir, entre plusieurs autres, à illustrer la tendance nouvelle.

La 36e division, aux ordres du général Mittelhauser, garde au Sud de Montdidier l’un des secteurs de la IIIe armée (armée Humbert), le secteur de Tricot, sur un front d’environ cinq kilomètres. Elle l’occupe depuis le 6 avril, et, comme elle ne subit d’attaque ni en avril ni en juin, elle a pu l’organiser à loisir. Elle a établi : 1° une première ligne (parallèles de résistance, de doublement, de soutien), jalonnée par le village de Vaux, le bois de Vaux, la cote 110 ; — 2° à un kilomètre en arrière, une parallèle intermédiaire, appuyée sur les villages du Frétoy et de Tronquoy ; — 3° une bretelle Tronquoy-Courcelles ; — 4° à cinq kilomètres en arrière de la première ligne, une deuxième position sur la crête Tricol-Méry, couverte, en avant de ces deux villages, par une parallèle intermédiaire.

C’est là un fort système défensif, mais établi à titre de simple