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la nouvelle organisation de l’Empire, conformément aux principes énoncés par le Manifeste du 30 octobre. Le pouvoir législatif était confié à deux Chambres : Conseil de l’Empire, ou Chambre Haute, composée par moitié de membres nommés et de membres élus ; et Douma, ou Chambre Basse, dont tous les membres étaient élus.

Cette organisation dotait la Russie d’un système constitutionnel véritable, encore sujet à critique et défectueux sous plus d’un rapport, mais qui n’en constituait pas moins un pas décisif en avant ; elle était donc franchement acceptée par tous ceux, et j’étais du nombre, qui se réclamaient du parti libéral modéré. Ce parti, qui avait pris le nom de « parti octobriste, » continuait à faire opposition au comte Witte pour des raisons d’ordre personnel plutôt que politique ; mais il se déclarait prêt à soutenir tout Cabinet sincèrement désireux de réaliser cette réforme. En revanche, le parti libéral plus avancé, nommé officiellement parti constitutionnel démocratique, ou par abréviation, parti K. D. (un jeu de mots transforma ce nom en celui de « parti des Cadets ») ne désarmait pas et considérait comme insuffisants les droits reconnus à la Douma, surtout en ce qui concernait le vote du budget et le droit d’interpellation. Les Cadets, puissamment organisés, se préparaient activement à la lutte électorale et inscrivaient en tête de leur programme l’extension des pouvoirs de la Douma ; l’ouverture de celle-ci était fixée au 10 mai, et, à mesure qu’on approchait de cette date, il devenait de plus en plus probable qu’elle serait le signal de la démission du comte Witte, abandonné par l’Empereur et combattu par tous les partis. On parlait, pour recueillir sa succession, de plusieurs personnages, tous appartenant à la bureaucratie, et l’on faisait circuler plusieurs listes ministérielles qui, presque toutes, contenaient mon nom pour le ministère des Affaires étrangères. Cela m’inquiétait beaucoup : j’étais prêt à entrer dans un Cabinet composé d’hommes dont j’aurais partagé les opinions politiques et avec lesquels j’aurais pu consolider le nouvel ordre de choses ; mais je reculais devant la perspective de me joindre à une équipe de bureaucrates qui, je n’en doutais pas, commenceraient par entrer en collision avec la Douma.

Les premiers résultats des élections pour la Douma montrèrent clairement que les Cadets allaient remporter une