méthodique et acharnée, contre le romantisme. On inventa le réalisme ; on l’inventa, comme on invente, après deux ou trois mille ans de littérature, ceci ou cela : on retrouva le réalisme. Le roman fut chargé de peindre la réalité. Les romanciers se partagèrent la réalité, les villes et les campagnes, les ouvriers, les bourgeois, le clergé, le monde élégant. La littérature devint une enquête immense et méticuleuse. Les littérateurs se mirent à la recherche des documents ; l’imagination n’était pas en faveur. Du reste, on l’a remarqué, les meilleurs romanciers réalistes avaient beaucoup plus d’imagination qu’ils ne le croyaient : voire, ils avaient l’imagination romantique. Toujours est-il que leur volonté scientifique, et fût-elle assez maladroite, a modifié le roman pour longtemps. Un peu plus tard, il y eut, contre le positivisme, une réaction des philosophes ou penseurs, métaphysiciens et moralistes. Le roman ; qui s’était accoutumé à suivre la pensée contemporaine, s’éprit de philosophie ; nous avons eu le roman psychologique, et positiviste encore à sa manière, puis le roman métaphysique et le roman moral, et politique et social. Une extraordinaire profusion des idées, et de toutes sortes, et venues de partout, se répandit et gagna en grand désordre le roman. Les théoriciens pullulèrent, et les apôtres. Il n’est pas une vérité, il n’est pas une erreur qui n’ait eu ses romans. Et le roman fut la bataille des idées. Quand on relisait alors, dans la préface de Bérénice : « La principale règle est de plaire et de toucher, » et, dans la Critique de l’Ecole des femmes : « Je voudrais bien savoir si la grande règle de toutes les règles n’est pas de plaire, » il fallait conclure à la futilité de Racine et de Molière !
Peut-être allons-nous voir, en notre pays, la littérature se dégager de maints soucis dont naguère on l’avait chargée et revenir joliment à son ancien désir de plaire. Il y a comme un renouveau du roman romanesque. On l’aperçoit dans l’œuvre qu’a louée M. Paul Bourget, et sous le charme de laquelle il a un peu incliné au plaisir du conte sa philosophie de la littérature ; et dans l’œuvre d’un jeune romancier qui, dès son début, montre une singulière netteté d’intentions, M. Pierre Benoit, l’auteur de Kœnigsmark et de l’Atlantide.
Le roman de M. Gérard Bauër, Sous les mers, a ses héros en Allemagne pendant la guerre. Ils font la guerre, et le plus abominablement : car ils sont officiers de marine, et à bord d’un sous-marin ; pirates, meurtriers de femmes et d’enfants, camarades de ceux qui ont coulé le Lusitania ; ils coulent un navire-hôpital, quant à eux. Comment nous intéresser à de telles gens ? L’un des pirates est bien