Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/841

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à celle de ses frères et sœurs. En vain, il ménage à Jacques Bénigne à Metz, — tout de même qu’à son frère Claude à Toul, — une de ces confortables hermines canoniales où lui-même, une fois veuf, il enveloppera su vieillesse en retraite. Les débuts du futur orateur dans la capitale ont été trop engageants, ses succès trop prometteurs, ses liaisons trop pleines d’offres et de perspectives, pour qu’il quitte Paris sans chance — ou plutôt sans fatalité — de retour. Déjà, en 1652, il ne tiendrait qu’à lui d’y rester. Nicolas Cornet, l’un de ses professeurs les plus puissants, lui offrait sa succession de Grand-maître de ce Collège de Navarre pour lequel il s’était si brillamment compromis. Il n’accepte pas, cependant, et il va prendre à Metz la place qui l’attend.


V. — BOSSUET A METZ. — LE PROCÈS DE SON CANONICAT. — LE GALLICAN NAISSANT

C’est, précisément, la première lettre du nouveau recueil de la Correspondance[1]que ces souvenirs préliminaires nous aident à comprendre, et, si besoin, à excuser.

Elle est un peu déconcertante, en effet, et presque désobligeante, cette première lettre. Elle contrarie probablement les admirateurs de Bossuet autant que la dédicace à Montauron fâche ceux du grand Corneille. C’est aussi une dédicace : Bossuet, docteur, offre à l’évêque de Metz la dernière de ses thèses. Or, l’évêque de Metz est alors Henri de Verneuil, évêque singulier. Fils naturel de Henri IV, comblé dès sa naissance d’opulents bénéfices, il a, disent les moqueurs, « pris dans l’Eglise plus d’abbayes que d’ordres. » Il est tonsuré, tout juste. Il n’est pas même un de ces prélats hommes politiques, de diplomatie ou de guerre, qui, comme Ossal, Sourdis ou Marca, rachètent leur fortune d’Eglise en faisant, dans le siècle, œuvre bonne. Il n’est qu’un débauché, simplement. L’acte le plus régulier de sa vie, ce sera, en 1659, à soixante-sept ans, de déposer sa mitre pour épouser la duchesse de Sully.

Or, à ce fantoche, le docteur et prêtre Jacques Bénigne prodigue, en vérité, les louanges. Il exalte sa « grandeur d’âme, » quasi divine… : « Superis, ut ita dicam, proximum, » et son « amour non vulgaire pour la théologie ; » — il célèbre le sang

  1. (5 juillet 1651). Serenissimo Principi Henrico Borbonio, Episcopo metensi, S. R. I. Principi.