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reine de la Grande-Bretagne, s’était chargée de leur établissement ; Alix, la plus jeune de ses petites-filles, avait bénéficié de la même tutelle et lui devait de devenir l’épouse du futur Empereur de toutes les Russies.

Ce n’était pas la première fois que les Romanoff s’alliaient à la maison de Hesse : Alexandre II, et plus tard l’un de ses fils, le grand-duc Serge, y avaient choisi leur épouse. Ces alliances matrimoniales avec la même famille, d’abord favorablement acceptées, avaient cessé d’être populaires, en raison surtout de la pauvreté des princesses, qui obligeait l’Empereur à faire tous les frais du mariage, y compris le trousseau et les diamants. « La mouche de Hesse, disait-on, s’est abattue sur le blé russe. » On s’explique maintenant pourquoi la nouvelle des fiançailles de Nicolas avait causé d’abord quelque déception dans le monde de la Cour. Mais cette impression s’était effacée rapidement, tant ce qu’on disait de la future Impératrice était à son avantage et, d’une manière générale, on regrettait que les noces n’eussent pas eu lieu avant la maladie de l’Empereur.

Cependant, ce n’est pas seulement à cette maladie qu’était dû le retard que l’Empereur était le premier à déplorer ; la jeune princesse avait longtemps hésité à donner son consentement, d’abord parce qu’il lui répugnait de changer de religion et qu’elle avait manifesté sa répugnance en refusant par deux fois de recevoir un pope, envoyé de Saint-Pétersbourg pour la préparer à passer du luthérianisme à la confession orthodoxe, et ensuite parce qu’elle avait appris qu’une liaison existait entre le grand-duc et une danseuse polonaise. Sur ce point, elle fut bientôt rassurée par les preuves formelles qui lui furent données de la rupture de cette liaison. Sur la question religieuse, elle fut plus résistante et, pour la décider à embrasser l’orthodoxie, il ne fallut rien moins que l’insistance de l’empereur Guillaume II. Il se transporta à Darmstadt pour la chapitrer et lui faire entendre qu’en montant sur le trône de Russie, elle se mettrait à même d’être utile à l’Allemagne et qu’en conséquence elle devait, en sa qualité d’Allemande, ne reculer devant aucun moyen pour s’assurer la brillante destinée qui s’offrait à elle. Au moment où l’empereur Alexandre était aux portes de la mort, les difficultés apportées au mariage de son fils étaient aplanies et le mariage eût été célébré si la maladie du souverain n’avait obligé à le retarder.