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de main-d’œuvre. Quant aux populations turques ou turcisées, elles apprendraient, au contact des colons italiens, la loi du travail et de l’effort ordonné et adapteraient peu à peu leurs mœurs aux nécessités de la vie civilisée ; si décidément l’expérience montrait qu’elles préfèrent vivre dans l’inertie et la pauvreté passive, elles seraient peu à peu évincées et s’en iraient dans les plaines du Turkestan et de l’Asie centrale d’où elles ne sont sorties que pour le malheur de l’humanité. Si les Italiens recevaient de ce côté de larges avantages, un champ d’expansion avec débouché sur la Mer Noire et la Méditerranée, le règlement de certaines questions, qui restent en suspens dans l’Adriatique ou ailleurs, en serait facilité ; l’Italie obtiendrait par là, dans la Méditerranée orientale, une position .ligne de son rang de grande puissance et de .son rôle dans la grande guerre.

Sur la rive asiatique des détroits et de la Marmara, pourrait être délimitée une zone peuplée de Turcs et de Grecs qui comprendrait le sandjak de Kalei-Sultanié (Bigha, ancienne Troade), une partie du vilayet de Brousse avec cette ville, le sandjak d’Ismidt et qui formerait, avec Constantinople et la Thrace, un « mandat » qui pourrait être attribué soit à la France, si elle ne recevait pas en Syrie et en Arménie toutes les satisfactions auxquelles lui donnent droit la situation économique et morale prépondérante qu’elle possédait avant la guerre dans tout l’Empire ottoman, soit aux États-Unis.


Quand on vient de l’Ouest, et qu’on franchit le gradin gigantesque du Taurus, on se trouve dans une région nouvelle, sur un bastion colossal qui domine de sa masse le rivage de la Mer Noire au Nord, les plaines brûlantes de la Mésopotamie au Sud : c’est la haute montagne, avec ses plateaux herbeux, ses vallées et ses fleuves impétueux, ses grands lacs, ses volcans éteints, ses bassins étroits mais fertiles, ses troupeaux, ses populations sédentaires et ses nomades. C’est l’Arménie. Elle se termine au Sud-Ouest, sur le golfe d’Alexandrette, entre le Taurus et l’Amanus, par une mince zone côtière, la riche plaine de Cilicie où l’élément turc se mélange à l’élément arménien ; elle s’élargit au contraire, comme le plateau qui