Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 53.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les Arabes n’ont jamais accepté qu’à contre-cœur la domination turque. La proclamation de la guerre sainte au profit des Allemands, les pendaisons de notables musulmans en Syrie par Djemal pacha, soulevèrent l’indignation parmi eux et le grand chérif de La Mecque, Hussein, répondit au vœu général en rompant, en juin 1916, tout lien avec la Porte, en se proclamant souverain indépendant du Hedjaz et en commençant les hostilités contre les Turcs. Il était naturel que les Alliés cherchassent, dans l’intérêt de leur cause, à favoriser l’action politique et militaire du chérif de la Mecque qu’ils reconnurent en qualité de roi du Hedjaz. La convention signée à Londres par M. Paul Cambon et sir Edward Grey, les 9 et 16 mai 1916, pour un partage d’influence dans les régions arabo-syriennes, révèle les préoccupations qui étaient alors celles des deux gouvernements. Le cabinet de Paris songeait à sauvegarder, par une convention qui lui apparaissait comme une mesure conservatoire, les intérêts français si importants en Syrie et dans tout le Levant ; le cabinet britannique, lui, inaugurait une politique nouvelle ; il se disposait à opposer à la politique turque représentée par le Sultan et inféodée aux Allemands, une politique arabe soutenue par les Alliés. La France et l’Angleterre se déclaraient « disposées à reconnaître et à protéger un État arabe indépendant ou une confédération d’États arabes ; » chacune d’elles exercerait cette protection dans une zone déterminée qui, en gros, était pour la France la Syrie, la Cilicie et une large bande de territoire englobant Mossoul et se prolongeant jusqu’à la frontière Persane, et, pour l’Angleterre, la Palestine, considérée par l’État-major britannique comme nécessaire à la défense de l’Egypte, et la Mésopotamie. Dans la zone côtière, englobant le Liban, où l’influence française est établie si solidement depuis des siècles dans le cœur des Syriens, la France avait la faculté d’exercer une action plus directe et d’établir la forme de gouvernement qu’elle jugerait la mieux adaptée aux besoins du pays ; la Grande-Bretagne avait les mêmes droits en Mésopotamie.

Cette convention, qui a été très critiquée, a eu surtout un grand défaut ; les événements de la guerre ont empêché la France d’en pratiquer les clauses et d’en développer l’esprit, tandis que d’autres incidents, tels que la menace militaire turco-allemande sur l’Egypte et le grave échec de Kut-el-Amara,